LaLibre.be - Jacques Laruelle – 21/10

Le parquet fédéral voulait correctionnaliser le dossier. La chambre du conseil n’a pas voulu.

Le parquet fédéral voulait un procès devant le tribunal correctionnel. Les parties civiles plaidaient pour un procès devant la cour d’assises, estimant qu’il était inimaginable de retenir des circonstances atténuantes, qui autorisent une correctionnalisation. La chambre du conseil a tranché : ce sera les assises. A moins que la chambre des mises en accusation ne réforme la décision, on s’achemine donc vers un cinquième procès d’assises pour des faits commis pendant le génocide rwandais de 1994, au cours duquel entre 500 000 et 1 million de personnes ont été tuées.

La décision concerne trois personnes, dans deux dossiers.

Dans le premier, Ernest Gakwaya et Emmanuel Nkunzuwimye avaient été arrêtés en mars 2011 à Bruxelles. "Camarade" et "Bomboko" auraient été membres des Interahamwe, ces milices pro-hutu, qui ont été très impliquées dans le génocide. Ils contestent les faits qui leur sont reprochés.

Le second dossier concerne le seul Fabien Neretse. Ce haut fonctionnaire originaire de Ruhengeri était considéré comme un homme d’influence sous le régime Habyarimana. Avant son arrestation en France en 2011, il faisait l’objet d’une plainte en Belgique pour l’assassinat de Claire Beckers et de sa famille. Cette Belge, son mari Isaïe Bucyana et leur fille Katia ont été tués quelques jours après le début du génocide rwandais, le 9 avril 1994 à Kigali. Se sentant menacée, la famille avait, selon des témoins, tenté de fuir sa maison et de rejoindre la Minuar, le contingent des Nations unies. La famille avait été dénoncée et arrêtée à un barrage par des hommes en armes. Ils avaient été fusillés. Le parquet fédéral estime que Fabien Neretse, qui habitait sur la même colline, les aurait dénoncés et serait impliqué dans d’autres assassinats.

Procès-fleuve en vue

Quatre procès d’assises ont déjà été organisés à Bruxelles en lien avec le génocide rwandais. Ce sont des procès très longs - et donc coûteux - qui nécessitent l’audition de nombreux témoins. D’où, plus que vraisemblablement, l’option du ministère public pour un procès en correctionnelle.

"Dans le contexte actuel où, pour des raisons économiques, on diminue drastiquement les moyens de la justice, la décision d’un renvoi en assises prise par la chambre du conseil est rassurante pour les justiciables et les victimes", commente Me Michèle Hirsch, conseil, avec Mes Kumps et Gillet de la famille Beckers. Pour l’avocate, il aurait été "absolument surréaliste de permettre que le crime suprême de génocide devienne un simple ‘délit de génocide’". 

Jacques Laruelle