Lors d'un exposé d'un rescapé d'Auschwitz,un professeur de Laeken a minimisé ses souffrances. Le ministre Dupont a déposé plainte contre lui.

A plus de 230 reprises, Henri Kichka (83 ans) a témoigné de ses souffrances et de celles de ses proches devant des classes de tous bords et de tous horizons. Mais jamais ce survivant de la Shoah n'avait été interrompu par un propos ouvertement négationniste. Vendredi dernier, alors qu'il rapportait son expérience concentrationnaire devant dix classes très attentives, il faut le souligner de l'Athénée Bruxelles 2, un professeur de religion islamique qui assistait à la réunion a profité d'une interruption de séance pour mettre en doute les propos d'Henri Kichka en affirmant à un élève qui l'interrogeait que "c'était vrai mais il y a une grande part d'imaginaire" . Ces propos entendus par un professeur de français amenèrent ce dernier à demander à son collègue de se justifier. C'est alors que le mot "Garaudy" du nom de l'écrivain français qui passa du communisme au négationnisme est tombé dans la conversation. Henri Kichka est toujours sous le coup de l'émotion : "Je parlais depuis une heure et demie à des élèves maghrébins et africains dans une excellente ambiance quand l'incident est survenu. Les propos de mon contradicteur relevaient du sabir mais j'ai quand même perçu le mot Gaza. Je tiens à dire et à répéter que je n'ai jamais voulu faire de politique dans mes témoignages. De même, on m'a dit que j'en rajoutais comme si je racontais un roman. C'est évidemment scandaleux... Je veux même le rencontrer pour en rediscuter avec lui. A une condition : qu'il me présente ses excuses en public."

Le ministre de l'Enseignement Christian Dupont entend aller plus loin : il a chargé le service juridique de la Communauté française de porter plainte et de se porter partie civile. A l'instar de plusieurs mandataires dont Viviane Teitelbaum et Caroline Persoons (MR), le ministre PS s'est dit "choqué face à de tels propos inacceptables" .

A l'Athénée Bruxelles 2, le préfet Pierre Hébrant entend aussi faire toute la clarté sur l'incident. " Sachant que les témoins ne sont pas éternels, nous avons demandé à M. Kichka de pouvoir enregistrer la séance. Ce qui a été fait avec trois caméras. C'est suite à un petit problème technique qu'on a suspendu brièvement la réunion. C'est alors que s'est produit l'incident." Arrivé tout récemment à Laeken - il est entré en fonction en janvier - M. Hébrant a tout mis en œuvre pour que l'enquête puisse démarrer très vite et qu'une plainte puisse être déposée au pénal. Mais le préfet a aussi pris contact avec les organisations syndicales de l'école afin qu'au lendemain des vacances pascales, Bruxelles 2 fasse aussi un important geste pédagogique à destination de tous les élèves. "J'ai demandé de préparer une séquence pédagogique de 50 minutes qui explique clairement et de manière clinique et froide comment les nazis ont procédé à l'extermination systématique des Juifs."

Des réactions très adultes

Quant au professeur de religion incriminé qui a un statut temporaire, il ne fait pas de doute qu'il sera immédiatement écarté si un délit pénal avéré est constaté. De manière plus positive, le préfet Hébrant tout comme Henri Kichka se sont réjouis des réactions des élèves : "J'ai été très touché par la manière adulte dont ils ont réagi. Plusieurs sont allés embrasser M. Kichka et une jeune fille a dit qu'elle aurait été heureuse de l'avoir comme grand-père..."

Christian Laporte - Mercredi 18/03/2009

© La Libre Belgique 2009