Il faudra attendre le 13 décembre pour entendre les arguments de Bart De Wever, le leader de la N-VA, (qui a déposé plainte pour diffamation et calomnie contre l’écrivain et juriste belge Pierre Mertens) et ceux de son adversaire, qui a qualifié le chef du parti nationaliste flamand de négationniste dans deux articles datés de décembre 2007.

La présidente de la chambre du conseil a accepté une remise pour permettre aux avocats des deux parties, qui veulent toutes deux un procès d’assises, de plaider plus longuement, alors que l’on sait que le parquet requiert la prescription.

A la sortie de l’audience, Pierre Mertens était attendu par de nombreux sympathisants qui l’épaulent dans son combat contre une banalisation de la Shoah mais aussi des crimes commis contre les Arméniens, les Rwandais ou les tziganes.

Celui qui a consacré sa thèse de doctorat en droit à l’imprescriptibilité des crimes de guerre et contre l’humanité persiste à considérer qu’en critiquant comme il l’a fait les excuses faites à la communauté juive d’Anvers par le bourgmestre socialiste de la ville, Patrick Janssens, le conseiller communal Bart De Wever a versé dans le négationnisme. M. Janssens avait reconnu que l’administration communale anversoise avait une responsabilité - d’ailleurs établie par le rapport du Ceges - dans la déportation de milliers de Juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale.

"Les victimes ont droit à la parole, je l’ai prise à leur place et compte la reprendre plus tard", a scandé Pierre Mertens, flanqué de ses avocats, deux francophones et un néerlandophone. Regrettant la lenteur de la justice ("dans ce pays, on remet toujours les choses à plus tard"), Pierre Mertens, au nom du droit à la mémoire ("qui va au-delà du devoir du même nom"), se défend d’avoir attaqué Bart De Wever ad hominem. "Je n’ai pas cherché à lui nuire, comme il le prétend. Je ne l’ai pas insulté, pas traité de fasciste, comme d’autres, pourtant non poursuivis. J’ai trouvé ce cas sur ma route et n’ai rien pu faire d’autre que de parler de négationnisme. Ce que j’ai critiqué, c’est le comportement de M. De Wever, ce que je combats, ce sont les valeurs, le système qu’il incarne. Et il n’y a rien de communautaire dans ma démarche car, en l’occurrence, je défends un Flamand (Patrick Janssens) contre un autre Flamand".

Si Pierre Mertens ne veut pas commenter l’inertie du parquet, qui n’a jugé utile de poursuivre Bart De Wever alors que d’aucuns estiment qu’il tombait sous le coup de la loi de 1995 tendant à réprimer la négation du génocide commis par le régime nazi, il a avoué que la plainte déposée contre lui par l’homme politique flamand ne lui a pas fait plaisir. "J’aurais préféré un débat public classique, dans une université par exemple, avec M. De Wever mais désormais, j’aspire à un procès devant la cour d’assises car il est temps de crever l’abcès, d’aborder publiquement un dossier qui plombe l’atmosphère politique."

Ce débat aura-t-il jamais lieu ? Le délit supposé commis par M. Mertens l’ayant été par voie de presse, il relève de la cour d’assises; mais le parquet requiert le non-lieu, évoquant la prescription de trois mois. "Si la courte prescription est retenue (elle pourrait l’être car au moment de formuler ses critiques, Bart De Wever portait l’habit de conseiller communal, NdlR), il ne pourra plus jamais y avoir de débat judiciaire pour un délit de presse. Il s’agirait de l’enterrement en petite pompe d’une affaire d’une ampleur considérable.", a scandé Me Bernard Maingain, l’un des conseils de Pierre Mertens. L’avocat s’est réjoui du soutien apporté à ce dernier par de nombreuses associations représentant les victimes juives, arméniennes et tutsies de génocides sanglants mais aussi par des militants, tant flamands que francophones, de la cause des droits de l’homme, à commencer par Max De Vries, fondateur, en 1940, de la première organisation de la Résistance dans le Limbourg. Présent au Palais de Justice, M. De Vries a protesté contre les tentatives actuelles de passer l’éponge sur les faits de collaboration et sur les crimes de guerre.

Dans le camp de Bart De Wever (absent à l’audience), on fait également preuve d’une détermination farouche. Bart De Wever, qui entend obtenir réparation au pénal et au civil, se targue de pouvoir produire des dizaines de témoins de la communauté juive d’Anvers "qui savent tous très bien qu’il reconnaît l’Holocauste", dit son entourage . Selon lequel, en prenant le frère d’Olivier Maingain comme avocat, M. Mertens, qui chercherait à assurer sa publicité, fait, en outre, de ce dossier un dossier communautaire.

J.-C.M.

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