En conflit depuis plus de vingt ans, l'Arménie et l'Azerbaïdjan pourraient de nouveau déterrer la hache de guerre. En cause, l'extradition par la Hongrie de Ramil Safarov, un officier azerbaïdjanais qui a décapité à la hache Gurgen Margaryan, un officier arménien à Budapest en 2004. Ramil Safarov a été gracié dès son arrivée en Azerbaïdjan et traité en héros.

L'Arménie est "prête à la guerre". C'est du moins ce qu'a déclaré son président, Serge Sarkissian, lundi 3 septembre : "Nous ne voulons pas la guerre, mais si nous y sommes contraints, nous nous battrons et nous gagnerons."

Le contexte diplomatique entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan est de plus en plus tendu après l'extradition et la grâce de Ramil Safarov.

En 2004 à Budapest, l'Otan organise un "stage pour la paix" qui a pour objectif de renforcer les liens entre les différents pays de l'ex-URSS. Parmi les participants, un officier azerbaïdjanais, Ramil Safarov, et Gurgen Margaryan, qui représente l'Arménie. Un nuit, alors que l'Arménien Margaryan dort, il est décapité à coups de hache par l'Azérbaïdjanais Safarov. Ramil Safarov a expliqué vouloir "venger l'ensemble de la nation" azerie.

Accueilli en héros

L'officier azerbaïdjanais est condamné à perpétuité par la justice hongroise. Extradé par la Hongrie vers son pays d'origine à la fin du mois d'août, Ramil Safarov a été immédiatement gracié par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev. Il a également été promu au rang de major, s'est vu offrir une maison et une voiture et a obtenu le paiement de son salaire pour les huit dernières années, passées en Hongrie.

A son arrivé à Bakou, la capitale de l'Azerbaïdjan, Ramil Safarov a été reçu comme un dignitaire étranger. Il a été pardonné par le président, réhabilité et la presse l'a traité en héros.

Pour autant, les Azerbaïdjanais ne minimisent pas son geste. Mais s'il a mal agi, il a le mérite, selon eux, d'avoir agi. Ce peuple, qui se sent abandonné et humilié sur la scène internationale, assouvit par ce crime son besoin de vengeance.

De son côté, l'Arménie hurle au scandale. Son président a qualifié l'Azerbaïdjan de "pays où l'on ordonne illégalement de remettre en liberté et où l'on glorifie publiquement n'importe quel bâtard qui a tué des gens simplement parce qu'ils sont arméniens". Par delà les frontières, la diaspora arménienne a aussi exprimé son indignation. L'armée arménienne a, elle, été placée en état d'alerte.

Le rôle de la Hongrie en question

Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, est lui aussi au cœur des critiques. L'Arménie a d'ailleurs suspendu ses relations diplomatiques avec la Hongrie.

Cet été, l'Azerbaïdjan a reçu la visite de Viktor Orban, pour des raisons économiques, car la Hongrie connait de graves difficultés économiques. L'Azerbaïdjan, pour sa part, est un pays riche en hydrocarbures, capable de racheter des obligations hongroises et de couvrir une partie de la dette hongroise à hauteur de deux ou trois milliards d'euros.

Le gouvernement azerbaïdjanais a profité de la venue de Viktor Orban pour réitérer une demande d'extradition pour Ramil Safarov. La Hongrie accepte de transférer l'officier et publie un communiqué où le gouvernement annonce que l'Azerbaïdjan a assuré "qu’il ne modifierait pas la condamnation de Safarov, et continuerait directement à appliquer la condamnation fondée sur le verdict hongrois".

En Hongrie, une pluie de critiques s'abat sur cette décision. Des manifestations ont eu lieu à Budapest, où les participants scandaient : "L'honneur des Hongrois n'est pas à vendre". Un éditorialiste hongrois se révolte contre cette extradition et n'hésite pas à parler de "prostitution". Il s'interroge : Ramil Safarov a-t-il été transféré en échange des milliards de l'Azerbaïdjan ?

Un conflit qui dure depuis plus de vingt ans

Depuis l'éclatement de l'Union soviétique en 1991, l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont en conflit autour de la région du Haut-Karabakh. Enclavée en Azerbaïdjan, elle abrite 150 000 habitants d'origine arménienne. L'enclave a déclaré son indépendance (non reconnue) en 1991.

Jusqu'en 1994, la région a été secouée par une guerre de trois ans, où 30 000 personnes ont perdu la vie et des centaines de milliers d'autres sont devenues des réfugiés ou des déplacés. Aujourd'hui encore, la question est gelée. Les plus de 500 000 réfugiés en Azerbaïdjan ont une vie des plus précaires et la situation militaire et politique n'est toujours pas réglée.

C'est dans cette région du Haut-Karabach que l'officier Ramil Safarov, engagé dès 1991 dans l'armée, a grandi.

Sur le front diplomatique, la Maison Blanche a demandé des explications à la Hongrie. Hillary Clinton s'est également rendue en Arménie et en Azerbaïdjan.

10 septembre

 Cécile Andrzejewski

RTBF.be