France Arménie / Octobre 2016 – Propos recueillis par Anne-Marie Mouradian.
A l’initiative de la Fédération euro-arménienne pour la justice et la démocratie (FEAJD), un groupe de six parlementaires belges (1) s’est rendu en Arménie et au Haut-Karabagh où il a assisté aux célébrations des 25 ans de l’indépendance.
“ Nous étions la seule délégation européenne à Stépanakert ”, indique le député Georges Dallemagne, un des artisans de la résolution sur la reconnaissance du Génocide arménien à la Chambre belge (2), décoré de la Médaille de la gratitude par Serge Sarksian.
France Arménie : Quel bilan tirez-vous de ce voyage ?
Georges Dallemagne : A Erevan, le président Sarksian ne nous a pas caché ses inquiétudes concernant le rapprochement entre les présidents Poutine et Erdogan, les transferts d’armes russes à l’Azerbaïdjan…
L’essentiel de notre visite s’est déroulé au Karabagh. Le 3 septembre, je me suis rendu sur la ligne de front avec l’ancien ambassadeur d’Allemagne en Arménie. Nous avons pu toucher du doigt les problèmes concrets rencontrés par la population. La situation peut déraper très rapidement comme l’a montré la « Guerre des 4 jours ». Le cessez-le-feu est violé presque quotidiennement. Durant notre visite, un soldat arménien a encore été tué par un sniper azéri.
Vous étiez la seule délégation européenne à Stépanakert le 2 septembre ?
Effectivement. Il y avait en revanche de nombreuses délégations d’Arméniens de la diaspora, de France, du Liban, des Etats-Unis…
Avant notre départ, le ministère belge des Affaires étrangères nous a laissé entendre que notre voyage au Karabagh n’était pas une bonne idée et que le ministre Didier Reynders n’était pas d’accord car cela déplairait à l’Azerbaïdjan. Déjà en juin dernier, avec Els Van Hoof, notre chef du groupe d’amitié parlementaire Belgique-Arménie, nous avions connu des pressions de la part du ministre Reynders. Il nous déconseillait de recevoir le président du Haut-Karabagh, alors en visite en Belgique. Nous avons néanmoins rencontré et reçu Bako Sahakian à déjeuner au Parlement.
En septembre, nous avons été le 4ème groupe parlementaire belge à se rendre au Haut-Karabagh cette année. C’est important que des organisations arméniennes comme la FEAJD prennent de telles initiatives. Ces visites permettent de s’informer, de comprendre la situation sur le terrain, de créer des liens et rompre l’isolement.
Y aura-t-il une suite à la visite ?
Je pense déposer au Parlement belge une motion de soutien pour le Haut-Karabagh. Je suis inquiet de voir la diplomatie européenne si peu active dans ce conflit. Pourtant, la sécurité en Europe dépend aussi de la stabilité au Sud-Caucase. Si une nouvelle guerre devait éclater entre Arméniens et Azéris, les conséquences seraient dangereuses pour la région mais également inquiétantes pour la stabilité de l’Europe qui a déjà beaucoup de problèmes sur d’autres fronts.
Chacun devra faire des compromis mais la question de la sécurité du Karabagh est posée.
Je pense qu’il est impossible d’agir sans demander l’avis de la population du Haut-Karabagh et sans qu’elle participe aux discussions. Les Arméniens demandent aussi la mise en place d’un mécanisme de surveillance du cessez-lefeu. L’Europe doit faire une démarche et s’investir pour que ce système de monitoring soit effectivement installé. Erevan et Stépanakert soulignent également le besoin d’une ceinture de sécurité autour du Haut-Karabagh pour empêcher les offensives azéries à partir des territoires avoisinants. Les troupes arméniennes pourraient se retirer de ces zones pour autant qu’elles y soient remplacées, par exemple, par une force neutre internationale. Ces demandes visant à garantir la sécurité sont parfaitement légitimes et doivent être prise en compte. ■
1) Du 31/8 au 5/9 2016. La délégation comprenait Els Van Hoof, Georges Dallemagne, David Clarinval (députés fédéraux), Paul Delva, Serge de Patoul, Zoé Genot (députés bruxellois).
2) M. Dallemagne a été l’un des artisans de la résolution adoptée en juillet 2015 mais s’est abstenu lors du vote, le jugeant trop frileux.