La Libre.be/Opinions - Une opinion d'Etienne Dujardin, juriste et chroniqueur – 24/11
A peine disparu de l’horizon politique, Philippe Moureaux est remplacé par sa fille Catherine pour porter la voix d’un communautarisme sans limites. Vous n’aurez certainement pas manqué l’énorme polémique suscitée par sa dernière trouvaille, à savoir : adapter les cours d’histoire en fonction de l’origine de l’élève.
Les réseaux sociaux se sont directement emparés du sujet et les condamnations ont afflué. La députée socialiste a été obligée de publier en catastrophe un démenti disant qu’elle n’avait jamais proposé cette idée. Il s’agit plutôt d’un rétropédalage, car ses propos ne laissaient aucune équivoque possible. En effet, comme le révélait hier encore le groupe Sudpresse, Catherine Moureaux a clairement parlé, lors d’une intervention auprès de la Fédération Wallonie-Bruxelles, d’aborder "selon votre public, un autre fait de décolonisation", ajoutant que "certains publics scolaires pourraient trouver pertinent de remonter la trace d’autres faits de colonisation et décolonisation". L’histoire ne s’enseigne pas selon son public scolaire, l’histoire est la même pour tous. Connaître notre passé permet de mieux appréhender l’avenir. Nous sommes en Belgique et c’est l’histoire de notre culture, de notre continent, de nos différents courants de pensées, qu’il faut apprendre avant tout. Avec seulement 2 heures de cours par semaine, il faut mettre des priorités. Comment voulons-nous intégrer des populations si on commence à faire des cours différents selon les populations ? Qui va décider quelles sont les origines de l’enfant ? Quel cours un Belgo-Algérien devra choisir ? Bref, cette proposition, outre le fait d’être totalement inopportune, est juste infaisable.
Le sujet du colonialisme intéresse fort la députée puisqu’elle signale déjà avoir interrogé une ancienne ministre "sur l’enseignement du colonialisme belge et de ses crimes", comme si la Belgique ne pouvait qu’avoir honte de son passé et que l’histoire devait se concentrer uniquement sur les crimes comme si la Belgique n'avait rien pu réaliser de bien sur le continent africain. Cette auto-flagellation perpétuelle de l’histoire du pays devient insupportable et est le meilleur moyen de dégoûter des jeunes de vouloir s’intégrer à notre société. Vouloir imposer des programmes qui signent le triomphe de la haine de soi et de la repentance continue n’invitera pas les élèves à vouloir s’assimiler à la culture de notre pays. Au contraire, cela alimentera les discours de rejet de l’Occident, de repli sur soi au sein de certaines communautés. Un enseignement rigoureux doit évidemment aussi aborder les années plus sombres de notre histoire, mais sans parti pris et sans oublier comme le signalait François Mitterand : "qu’un peuple qui n'enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité".
Cet incident devient assez gênant pour les socialistes francophones. Il y a déjà eu la polémique d'Emir Kir sur le génocide arménien, ou, plus récemment, celle de sa comparaison entre une manifestation pro-kurde autorisée à Bruxelles et le groupe Daech. Tout cela, sans parler du député Ikazban qui a sali l’Etat belge sans vergogne dans le dossier Oussama Atar, parlant de "racisme d’Etat", ou encore récemment concernant le voile islamique, qu’il a porté par "solidarité". On sent bien que les socialistes sont mal à l’aise avec ces différents faits. On sort toujours le jeu des demandes d’explication ou de clarification, mais aucune sanction forte n’aboutit jamais. Le PS n’a pas le courage du CDH qui, dans le cas du dossier Ozdemir, n’a pas tergiversé longtemps. C’est tout à l’honneur d’un parti politique de comprendre que certaines valeurs et certains principes ne sont pas négociables même face à un paquet de voix électorales. Cela pourra-t-il encore durer longtemps au PS ? On sent bien que l’opinion n’apprécie nullement toutes ces déclarations et aimerait un peu plus de fermeté des socialistes francophones face à la montée du communautarisme en son sein. La gauche française a d’ailleurs un discours éminemment plus clair sur la question.
La tornade provoquée par Catherine Moureaux n’est malheureusement pas un accident de l’histoire, mais est le résultat effrayant d’une certaine gauche qui a joué le jeu du clientélisme et du communautarisme. Une gauche qui se croyait tout permis, qui était forcément dans le camp du bien, qui traînait dans la boue tous ceux qui osaient défier la tyrannie du politiquement correct. Ce temps est révolu. D’une part, les peuples n’en peuvent plus des leçons de morale d’une minorité qui pense encore pouvoir dicter sa loi à la majorité. D’autre part, des politiciens et des intellectuels de tous horizons (gauche-droite-centre) commencent à se lever contre ce discours, comprenant bien que l’heure est grave et que le clientélisme communautaire est en réalité l’allié objectif des extrêmes. Les partis traditionnels ont parfois eu dans le passé, peur de débattre, de dénoncer certaines attitudes irresponsables cédant ainsi trop de terrains. Madame Moureaux doit comprendre qu’elle doit changer de logiciel. L’héritage laissé par son père, à Molenbeek par exemple, n’est pas brillant… Elle et son parti ne peuvent plus appliquer les mêmes recettes !