Plusieurs journaux ont évoqué la large mobilisation qui s’est formée à Rixensart et La Hulpe et ouvert leurs colonnes au mouvement de soutien à l’égard de la famille Mgroyan menacée d’expulsion.*
RTL INFO - 16/01.
Lucas, un élève du collège Notre-Dame des Trois Vallées (site Alix Le Clerc) à La Hulpe, dans le Brabant wallon, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part de la menace qui pèse sur l’une des camarades de classe, Marina, âgée de 17 ans.
"Elle a appris le jour avant Noël qu'elle devait être expulsée de Belgique pour retourner dans son pays natal, l'Arménie", nous explique-t-il.
Marina, ses parents, ses deux sœurs et son frère vivent en Belgique depuis 8 ans, après avoir quitté précipitamment leur pays d'origine. Et ils sont sommés de quitter le territoire. Pourquoi ? D’après nos renseignements pris auprès de l’Office des étrangers, leur dernière demande d’asile dans notre pays a été rejetée. "Lorsqu’elle a été analysée par le CGRA (Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides), celui-ci a estimé qu’il n’y avait aucun problème pour eux en cas de retour vers l’Arménie".
Des demandes jugées "non fondées ou irrecevables"
On nous précise que la famille a entamé plusieurs procédures au fil des années, et que toutes se sont clôturées négativement. "Il y a eu une première demande d’asile, quand ils sont arrivés vers 2009, puis plusieurs demandes de régularisation soit médicale, soit humanitaire, qui ont toutes été déclarées non fondées ou irrecevables par des décisions de justice", nous dit l’Office.
Un recours a été déposé, mais celui-ci n’étant pas suspensif, cette expulsion pourrait être exécutée à n’importe quel moment à partir du 20 janvier. "On leur a donné un mois pour quitter le territoire. L’esprit, c’est qu’ils obtempèrent volontairement. L’administration communale peut leur expliquer toutes les démarches à suivre. Si ils ne le font pas, et qu'ils se font contrôler, soit par l’Office des étrangers qui ferait un contrôle à l’adresse, soit un contrôle d’identité quelconque, alors ils risquent un départ sous la contrainte".
"Leur vie est ici en Belgique"
Si les règles sont claires, la situation humaine, elle, est évidemment compliquée. Les amis de la famille Mgroyan sont révoltés par la situation. "On veut montrer que c'est une élève aimée de tous, que c’est une famille respectable et on veut que tout le monde se rende compte que des gens bien peuvent être emmenés dans un autre pays du jour au lendemain, partir comme ça après tant d’années", déplore son camarade de classe Lucas. "Cette famille a tout quitté pour commencer une vie meilleure, leur vie est ici en Belgique", nous écrit-on encore. "On a notre entourage, nos amis qui sont devenus comme une famille. On aurait du mal à les quitter", nous a confié la jeune Marina Mgroyan.
"Les enfants sont intégrés, ils font partie de la vie de l’école, les parents aussi"
La famille est installée à Rixensart depuis 2011 et les quatre enfants sont scolarisés dans la région. Deux d’entre eux fréquentent donc le collège Notre-Dame des Trois Vallées, sur le site Alix Le Clerc à La Hulpe. Le jour où l’école a appris que la famille était sous le coup d’un ordre d’expulsion, se tenait justement dans l’école une animation d’Amnesty International qui présentait aux élèves la situation de réfugiés. Dominique Lefebvre, le directeur, a tout de suite décidé d’agir. "C’est vraiment une réunion de personnes et de forces, autour de cette question d’apprendre comme eux qu’ils ne peuvent pas rester en Belgique. Les enfants sont intégrés, ils font partie de la vie de l’école. Les parents aussi, on les connaît, parce qu’ils donnent des coups de main à différentes occasions".
Chapeautée par le directeur, la mobilisation s’organise avec un groupe de professeurs, de parents, ainsi qu’une asbl de la région. "Les jeunes enfants participent régulièrement aux activités de l’antenne Ecole des Devoirs D’Clic implantée à Rixensart. Les deux adolescentes prennent part aux animations mises en place par le "Plan de Cohésion Sociale", tout comme les parents qui ont suivi les cours de français langue étrangère, ainsi que les cours de citoyenneté organisés par le service D’Clic. Les plus jeunes enfants n’ont connu que la Belgique et ne parlent que le français. Leur renvoi s’avérerait particulièrement inhumain", peut-on lire dans le communiqué du mouvement baptisé "Soutenir la famille Mgroyan".
"Le fait qu’ils soient intégrés, ce n’est pas considéré comme une circonstance exceptionnelle"
Malheureusement, le fait que la famille parle français, qu'elle soit soutenue par de nombreuses personnes, que les enfants soient scolarisés en Belgique… ne pèse pas dans la balance, explique l’Office des étrangers. "Le fait qu’ils soient intégrés, ce n’est pas considéré comme une circonstance exceptionnelle à la lumière de de l’article 9bis de la loi sur les étrangers". (Celle-ci concerne l’autorisation de séjour exceptionnel pour motifs autres que médicaux, à consulter ici, ndlr). Idem pour l’éducation et l’instruction, qui n'impliquent pas automatiquement de séjourner dans un autre pays que le sien, nous dit-on.
Comment cette famille pourrait-elle dès lors s’installer légalement en Belgique ? Nous avons posé la question à l’Office des étrangers. "Ils doivent retourner dans le pays d’origine, ne serait-ce que temporairement, et demander une autorisation de séjour selon les formes prescrites par la loi". Encore faudrait-il obtenir un permis de séjour: "On ne leur délivrera pas de permis de séjour sur simple preuve de leur bonne foi. Ce qu’on leur demandera notamment, c’est un permis de travail en Belgique".
Une pétition et un rassemblement: "Ça me fait vraiment chaud au cœur"
Une pétition qui demande la régularisation des Mgroyan en Belgique, mise en ligne jeudi, a déjà récolté des centaines de signatures. Tous espèrent faire bouger les choses malgré l’ordre de quitter le territoire. "On est tous porteurs d’un grand espoir, mais on sait que tout ça est lié à tellement d’éléments qui nous échappent… L’arrêt d’expulsion peut tomber. On agira comme on peut", a commenté Dominique Lefebvre.
Un rassemblement aura lieu le jeudi 19 janvier à 11h sur la place Communale de Genval, réunissant des élèves, des professeurs, des parents du collège Notre-Dame des Trois Vallées, ainsi que de l'école communale du Centre. "Ce mouvement citoyen est totalement apolitique", précise-t-on. "Le soutien de l'école, ça me touche beaucoup. Je ne m’attendais pas à ce qu’autant de personnes soient à mes côtés, ça me fait vraiment chaud au cœur", nous a confié Marina.
* Cf. La Capitale (Sud-Presse), l’Avenir et La Dernière Heure du 13/01