Regards.fr - Par Caroline Châtelet – 13/09
Il y a des guerres dont les médias parlent peu et qui continuent, pourtant, à égrener leurs morts. C’est à l’un de ses conflits en sourdine que s’est intéressé le réalisateur Pierre-Yves Vandeweerd.
Dans Les Éternels, le documentariste belge s’est rendu au Haut-Karabagh, enclave arménienne située en territoire azéri que l’Arménie et l’Azerbaïdjan se disputent depuis la dislocation de l’ex-URSS. En dépit d’un cessez-le-feu signé en 1994, des combats continuent à avoir lieu.
Le cheminement ayant mené Pierre-Yves Vandeweerd au Haut-Karabagh est pour le moins inattendu. Lors des Tourmentes, son précédent film, le réalisateur a été amené à travailler sur les archives de l’institut psychiatrique de Saint-Alban, en Lozère. Là, il découvre l’existence d’un syndrome affectant des survivants du génocide arménien, une « mélancolie d’éternité ». C’est la prolongation comme la résurgence de ce syndrome post-traumatique chez les personnes ayant vécu le conflit du Haut-Karabagh que Pierre-Yves Vandeweerd explore.
À l’image de la genèse particulière de ce film, Les Éternels déjoue dans sa forme tous les attendus d’un documentaire sur la guerre. Ni héroïsation, ni virilisation. Sur un rythme lent, Les Éternels déploie patiemment ses images, alternant entre les soldats d’aujourd’hui et ceux d’hier. Il y a, donc, les militaires présents aujourd’hui sur la ligne de front, filmés les plus souvent de dos dans les tranchées, en exercice à la caserne, les corps primant sur les visages. À ces images de groupes s’opposent celles d’hommes âgés, figures d’errance livrées à elles-mêmes et s’adonnant à des geste obsessionnels. Des hommes solitaires aux visages burinés, et dont les regards mélancoliques portent en eux les traumatismes subis. Et puis il y a les autres, jeunes hommes et femme dont les courses éperdues portent l’inquiétude des réminiscences du génocide.
Ces personnages évoluent dans des paysages magnifiques, imposant par leur majesté, comme dans des landes de terre peuplées de ruines. Un récit en voix off, fondé pour partie sur les écrits de l’auteur arménien Yegishé Tscharents, accompagne ces images, amplifiant les sentiments d’inquiétude, comme l’impossible paix de l’âme. Au-delà de la question d’un conflit et de ses conséquences dévastatrices pour les populations, Les Éternels aborde dans une forme à la beauté saisissante, empreinte de culture arménienne – dominée par la métaphore et les forces telluriques – la question du traumatisme et du sentiment d’absurdité face à un monde où l’histoire se rejoue sans cesse.
Sur ARTE le 26/09
Projection à B0ZAR le 29/10 (voir ci-contre colonne événements)