Paru dans « Libération » - 10/10
Le directeur des «Nouvelles d’Arménie» doit comparaître en procès le 17 octobre : la législation française ne permet pas actuellement de poursuivre en justice les négationnistes du génocide des Arméniens. Comme l’écrit Elie Wiesel :« Le tueur tue toujours deux fois, la seconde par le silence» : le négationnisme est la continuation du génocide.
Si chaque génocide a ses spécificités, le négationnisme procède toujours de la même mécanique haineuse. Il représente à chaque fois une même insulte à la mémoire des victimes, une même provocation pour les rescapés et leurs descendants, une même atteinte à la dignité humaine. Ainsi, lorsque le directeur du magazine Nouvelles d’Arménie, Ara Toranian, a comparé un négationniste du génocide des Arméniens au négationniste de la Shoah Robert Faurisson, à l’instar de Pierre Vidal-Naquet avant lui, il a eu pleinement raison.
Aussi, le procès en diffamation qui lui est intenté pour ce motif et qui se déroulera le 17 octobre prochain devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris nous est insupportable. En effet, ce sont les défenseurs de la mémoire, de la vérité historique et de la dignité qui devraient se trouver sur les bancs de l’accusation et les négationnistes sur ceux des accusés, et non l’inverse.
L’état actuel de la législation française ne permet pas de poursuivre en justice les négationnistes du génocide des Arméniens. Faudrait-il qu’en plus ces derniers puissent éviter d’être désignés pour ce qu’ils sont, et qu’ils fassent condamner les descendants des victimes ? Cette grossière tentative de renversement des rôles et d’instrumentalisation de la liberté d’expression doit être dénoncée avec force. Protéger la liberté d’expression contre ceux qui tentent de la dévoyer avec perversité, protéger les légataires des victimes des persécutions des légataires de leurs bourreaux, ne pas entraver la transmission de la connaissance de la vérité historique, voilà les enjeux symboliques fondamentaux du procès qui s’ouvre le 17 octobre.
Nous faisons toute confiance à la justice de notre pays pour être à leur hauteur.
Parmi les signataires : Charles Aznavour, Bernard-Henri Lévy, Serge Klarsfeld, Beate Klarsfeld, Arno Klarsfeld, Michel Onfray, Pascal Bruckner, Frédéric Encel, Alain Terzian, Yann Moix, Dominique Sopo Président de SOS Racisme Gérard Chaliand, Simone Rodan Directrice de l’American Jewish Committee (AJC), Raymond Kévorkian, Yves Ternon, Erol Ozkoray Ecrivain, Le Crif Marseille-Provence ainsi que l’unanimité des membres de son bureau exécutif, Didier Rebut Professeur de droit à Assas, Claire Mouradian Historienne, directrice de recherches au CNRS, Marc Knobel, Franz-Olivier Giesbert, Jacky Mamou Président d’Urgence-Darfour, Marcel Kabanda Président honoraire d’Ibuka-France, Bernard Schalscha Secrétaire général de France Syrie Démocratie, Benjamin Abtan Président de l’EGAM, Michaël Prazan Ecrivain et réalisateur, Mohamed Sifaoui Journaliste, écrivain, réalisateur, Valérie Igounet Historienne, auteure de «Robert Faurisson. Portrait d’un négationniste», François Heilbronn Vice-président du Mémorial de la Shoah, Robert Guédiguian Cinéaste, Eric Marty Ecrivain, universitaire, Valérie Toranian Directrice de la «Revue des deux mondes», Hamit Bozarslan Historien, directeur de recherches à l’EHESS, Sacha Ghozlan Président de l’UEJF, Fethi Benslama Psychanalyste, écrivain, Richard Odier Secrétaire général du Centre Simon-Wiesenthal, Robert Kechichian Cinéaste, Rudy Reichstadt Directeur de l’Observatoire du conspirationnisme, Meïr Waintrater Ecrivain et Francis Kalifat Président du Crif.