France-Arménie - Par Anne-Marie Mouradian - Bruxelles - Janvier 2018
Dans la foulée de la signature de l’Accord de partenariat global et renforcé (CEPA) signé le 24 novembre entre Erevan et l’Union européenne, l’Assemblée nationale d’Arménie a voté en décembre une loi pénalisant les violences faites aux femmes. (Photo EU Council)
Trois jours plus tôt à Bruxelles, un député du Parti républicain d’Arménie déclarait: « Cette loi ne correspond pas aux préoccupations prioritaires de la population arménienne et de ses traditions patriarcales. Mais nous la voterons pour nous conformer aux obligations de notre accord avec l’Europe ». La société civile arménienne et la diaspora qui la réclamaient, attendent de voir comment la loi sera concrètement mise en œuvre mais son adoption va dans le bon sens.
A l’inverse, en Russie où une telle législation existait déjà, les députés ont voté en 2017 sous la pression du pouvoir et de l’Eglise orthodoxe, une dépénalisation des violences domestiques contre les femmes « pour éviter la destruction de la famille ».
Le CEPA implique la mise en œuvre de nombreuses autres réformes auxquelles Erevan s’est engagé en matière de droits de l’homme, lutte anti-corruption, règles de concurrence ou encore, pour se doter d’un système judiciaire indépendant et impartial.
« Ces réformes, nous sommes décidés à les mener mais ce ne sera pas simple, nous avons besoin du soutien de l’UE pour augmenter les capacités de notre assemblée » souligne Armen Ashotyan, président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement (1). En avril prochain, le passage de l’Arménie à un système parlementaire censé limiter les pouvoirs du président et renforcer ceux de l’Assemblée, devrait, en principe, représenter une avancée.
Armen Ashotyan rappelle aussi la demande arménienne d’obtenir la libéralisation des visas qui permet déjà aux citoyens géorgiens, ukrainiens et moldaves d’entrer librement dans l’espace Schengen pour de courts séjours (3 mois). Tbilissi, Kiev et Chisinau ont ainsi été récompensés de leurs efforts pour s’aligner sur les normes européennes. « Nous voulons être traités de la même façon que les Géorgiens et les autres » insiste Armen Ashotyan. « Nous avons déjà longuement discuté des conditionnalités à remplir, nous ne voulons plus perdre de temps. Les Européens ne doivent pas avoir peur des migrants arméniens ! »
Faire du CEPA, une success story
La signature du CEPA, le tout premier accord entre l’UE et un pays de l’Espace économique eurasiatique, est un succès diplomatique pour Erevan. L’Europe n’a ni la volonté, ni les moyens de concurrencer la Russie dans son rôle de premier partenaire de l’Arménie sur le plan sécuritaire et militaire mais le CEPA a une dimension politique importante, rappelle-t-on du côté arménien. « Nous avons un agenda concernant le Karabakh, la question de l’ouverture des frontières, la reconnaissance du génocide. Nous attendons de l’UE qu’elle y contribue par des prises de positions réfléchies car chaque mot malheureux peut être interprété à Bakou comme un soutien au régime Aliev ». Et de rappeler qu’en janvier 2016, avant que n’éclatent les scandales du « caviargate » et de la lessiveuse azérie, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait voté une résolution condamnant l’Arménie dans le dossier du réservoir de Sarsang au Haut-Karabakh. Trois mois plus tard, Bakou lançait la guerre des 4 jours...
Vu les tensions actuelles entre l’Occident et la Russie, l’Arménie ne risque-t-elle pas de se retrouver écartelée ? « Je ne pense pas que cette confrontation sera éternelle. De toutes façons, nous ne voulons plus être acculés à devoir choisir entre deux camps, nous en avons trop souffert dans notre histoire. Nous refusons de servir de terrain de propagande et d’affrontement géopolitique entre l’UE et la Russie mais au contraire pouvons être un petit pont », explique un parlementaire arménien. C’est selon lui déjà un peu le cas. Suite aux sanctions européennes contre Moscou, par exemple, RUSAL, le géant russe de l’aluminium, ne peut plus vendre ses produits directement sur le marché de l’UE. Il les envoie vers sa filiale arménienne ARMENAL qui les réexporte vers l’Europe.
(1) Intervention devant « European Friends of Armenia » - Bruxelles - 06/12/2017