Ce lundi 9 décembre, à l'occasion du 71e anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide signée par les Nations Unies, le Parlement fédéral belge accueillait une conférence organisée par le Collectif belge pour la prévention des crimes de génocide et contre les négationnismes, en partenariat avec l'Union générale arménienne de bienfaisance (UGAB/AGBU Europe). La conférence réunissait des juristes, des experts et des députés fédéraux pour faire le point sur la récente législation belge en matière de répression du négationnisme.
Animée par Guy Haarscher, Professeur émérite de l’Université Libre de Bruxelles, la conférence fit état, dans un premier temps, de la situation actuelle en matière de répression du négationnisme et du discours de haine, en Belgique et en Europe, tant du point de vue juridique que du point de vue des acteurs sur le terrain.
Il fut rappelé que la loi adoptée le 25 avril dernier par la Chambre des représentants de Belgique, à la suite d'une décision-cadre de l'Union Européenne et d’une convention du Conseil de l’Europe, introduisit, pour la première fois en Belgique, le principe de la criminalisation du négationnisme de crimes autres que celui de l’Holocauste. Par contre, il a aussi été précisé que si elle étend la pénalisation à la négation des crimes de masse en général, la nouvelle loi propose également des restrictions importantes, excluant de son champ d'application les crimes n’ayant pas été reconnus par un tribunal international, comme le génocide de 1915.
Dans son discours, Nathalie Drouin, juriste et chargée de cours à l'Université de Bourgogne, expliqua comment, de manière très maladroite, la décision-cadre de l'UE nous éloigne de l'objectif premier de la loi, qui est de combattre le racisme. En introduisant les critères de la reconnaissance judiciaire du crime, Drouin observe que " la ratio legis de l'infraction n'est plus la lutte contre le discours de haine, la discrimination ou le racisme, mais que la ratio legis est la protection de l'autorité judiciaire ". Au vu de ce paradoxe, Emmanuel Van Nuffel, avocat au barreau de Bruxelles, présenta le recours qu’il a introduit, au nom de la communauté arménienne de Belgique, devant la Cour constitutionnelle belge, contre la nouvelle loi adoptée en avril 2019.
Patrick Charlier, co-directeur de Unia, institut pour l’égalité des chances et contre la discrimination, dressa un bilan des plaintes et des dossiers judiciaires suivis par Unia depuis 2001. Parmi les plaintes pour négationnisme non liées à l'Holocauste que reçoit Unia, plus de 50% d'entre elles ont trait à la négation du génocide des Arméniens.
Le second panel, composé de parlementaires de différents partis politiques (CdH, CD&V, Défi, Ecolo-Groen et MR), se concentra sur la loi votée en avril dernier et les différentes propositions soumises par Georges Dallemagne (cdH), Michel de Maegd (MR) et Sophie Rohonyi (Défi) visant à amender ou à remplacer la loi du mois d’avril. Ecolo-Groen a annoncé vouloir également soumettre prochainement une nouvelle proposition de loi. G. Dallemagne a souligné la nécessité pour les députés de se concerter afin de faire aboutir la proposition de loi qui permettra effectivement de corriger les manquements de la loi votée en avril dernier. Par ailleurs, M. de Maegd a également signalé une seconde proposition de loi qu’il a soumise récemment afin d’officialiser sur le plan national la journée du 9 décembre qui commémore les victimes de génocide dans le monde.
La conférence s'est conclue par l'intervention de Bernard Maingain, avocat au barreau de Bruxelles, concernant la situation alarmante au Burundi, où l’on peut craindre qu’un processus génocidaire contre les Tutsi soit en cours. B. Maingain rappela ainsi à l’assistance l’actualité du phénomène que sont les génocides et les persécutions de masse et les actions possibles aujourd'hui pour freiner le processus en marche au Burundi.
L'UGAB Europe coordonne et développe les activités paneuropéennes de l'Union générale arménienne de bienfaisance (UGAB ou AGBU en anglais). Créée en 1906, l’UGAB dirige de nombreux programmes dans les domaines de la recherche académique, de la préservation et de la promotion du patrimoine, de l'éducation et de la culture, ainsi que des projets de sensibilisation et de formation au leadership.