A M. Erdogan. Cher Monsieur,
Mes grands-parents, ayant dû quitter précipitamment Amasya en avril 1915, n’ont pas pu emporter le piano familial. Pourriez-vous s’il vous plait le faire livrer à l’adresse suivante : Poste restante de Stepanakert, capitale de l’Artsakh berceau historique de l’Arménie.
Il semble que Mr Aliev ait plus de difficultés à se débarrasser d’une poignée d’Arméniens que vos glorieux ancêtres, qui, c’est vrai, n’avaient en face d’eux que des femmes des enfants et des hommes désarmés.
Ah, ma Grand -Mère m’envoie un message de l’au-delà…. Elle me dit que 30 machines à coudre sont restées à Smyrne en 1922 lors du grand incendie - quelle idée de s’installer là-bas après avoir survécu à la Grande Randonnée !..- Vous voudrez bien me les faire livrer, avec le piano ?
Vous noterez que je ne vous demande pas le remboursement de la maison, du terrain, du magasin... Vu que rien qu’en France, on est 500 000 enfants d’expropriés non dédommagés, si on s’y met tous, ça vous foutrait votre Pib en l’air. Non, juste ces objets, qui, vous l’accorderez, n’ont qu’une valeur sentimentale..
Voilà, j’espère que bientôt nous boirons ensemble un bon café Turc, Grec, Arménien, whatever, un bon Sourdj quoi, histoire de fêter ensemble la paix retrouvée entre nos peuples…
Oui, je suis un bisounours de gauche, comme ils disent ici, je crois à la paix, pour moi le nationalisme, c’est la peste, comme disait François M, et je me souviens avec nostalgie du temps où les Arméniens étaient les enfants chéris du Sultan…
Je me souviens aussi des protocoles arméno-turcs que vous aviez entamés, de ce match de foot amical entre Turquie et Arménie en 2008 auquel votre prédécesseur Mr Gül avait assisté, je me souviens de vos condoléances au peuple d’Arménie qui furent accueillies avec émotion et délivrance par certains d’entre nous.
Qu’est-ce qu’il s’est passé depuis b….. !!!?
Je me souviens aussi, en tant que musicien - décidément, même en temps de conflit je ramène tout à la musique - que c’est un certain Hampartsoum Limondjian qui fut choisi par le Sultan Mahmoud 2 en 1815 pour inventer un système de notation musicale afin de sauver la musique Ottomane qui sinon serait tombée dans l’Oubli.
Alors puisque vous semblez aimer l’Afrique, Mr Erdogan, je vous rappelle ce proverbe Malien : Sans le griot, le nom des rois tomberait dans l’oubli. Le griot est donc au-dessus des rois.
Sans prendre ça à la lettre, j’en profite quand même pour oser vous faire une requête : Dites, vous voulez pas foutre la paix à mon peuple une bonne fois pour toutes ?…
Merci d’avance cher Monsieur Erdogan.
André Antranick Manoukian