Aznavour Foundation – 23/10

« Israël, fondé par les survivants et les descendants des survivants de la Shoah, ne peut fermer les yeux ni participer au génocide que l'Azerbaïdjan, avec l'aide du gouvernement turc, se préparent à commettre encore une fois en Arménie. »

 

Le journal israélien "Haaretz" a publié la lettre de Nicolas Aznavour (cofondateur et président du conseil d'administration de la Fondation Aznavour) adressée au président d'Israël. Nous publions sa lettre ci-dessous.

Lettre ouverte de Nicolas Aznavour adressée au Président de l'État d'Israël.

Monsieur le Président,

En 2017, avec mon père Charles Aznavour, j'ai eu le plaisir de me rendre en Israël où la Fondation Internationale Raoul Wallenberg (IRWF) a décerné la « Médaille Raoul Wallenberg » à Aïda et Charles Aznavour en votre présence.

Ce prix prestigieux est un gage de reconnaissance envers la famille Aznavour, les parents Knar et Misha, et leur enfants Aïda et Charles, qui, pendant les jours sombres de l'occupation nazie en France ont tendu la main à ceux qui étaient persécutés. Je me souviens que mon père se rappelait comment il avait grandi dans le quartier du Marais à Paris où de nombreux immigrants s'étaient installés dont des réfugiés juifs et arméniens. Ils étaient des voisins mais surtout des amis proches.

Lorsque la Gestapo a commencé à arrêter des Juifs pour les déporter, l'appartement de mes grands-parents est devenu un abri pour eux en attendant de trouver un passage sûr. Mes grands-parents savaient qu'ils couraient tous un terrible danger mais mon père et sa sœur ne l'ont compris que plus tard.

Mes grands-parents avaient fui en France pour échapper au Génocide des Arméniens par l'Empire ottoman dans les années 1920. Leur vie n'était pas facile, ils étaient pauvres, ne maîtrisaient pas bien le français et portaient le bagage douloureux de leur passé. Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, ils ont réalisé avec stupeur que l'histoire semblait se répéter et c’est pourquoi ils ont pris de tels risques pour sauver autant de vies que possible.La médaille que mon père a reçue au nom de notre famille fait partie des objets que nous prévoyons d’exposer prochainement au musée Charles Aznavour à Erevan et d’informer nos visiteurs des horreurs de la Shoah.

Monsieur Reuven Rivlin, depuis le 27 septembre, l'agression militaire de l'Azerbaïdjan s'est déjà transformée en guerre et en tragédie entraînant la mort de de milliers de jeunes hommes, civils et enfants. L'armée azerbaïdjanaise utilise de nombreuses armes fabriquées en Israël, notamment des bombes à fragmentation interdites par le droit international, et des drones militaires.

En réponse aux photos publiées par les autorités arméniennes, Amnesty International a publié son rapport en notant en particulier : « Les experts d’Amnesty International Crisis Response ont pu retracer l'emplacement des images dans les quartiers résidentiels de Stépanakert et ont identifié des armes à sous-munitions M095 DPICM de fabrication israélienne tirées par les forces azerbaïdjanaises vers Stepanakert, Shushi, Martakert et d’autres villes. « L'utilisation de bombes à fragmentation en toutes circonstances est interdite par le droit international humanitaire, de sorte que leur utilisation pour attaquer des zones civiles est particulièrement dangereuse et ne fera qu’entraîner de nouveaux morts et blessés », a déclaré Denis Krivosheev, chef par intérim d'Amnesty International pour l'Europe de l'Est et le Centre-Asie. « Les bombes à fragmentation sont par nature des armes aveugles, et leur déploiement dans les zones résidentielles est absolument épouvantable et inacceptable. Alors que les combats continuent de s'intensifier, les civils doivent être protégés et non délibérément ciblés ou mis en danger de manière imprudente. »

En souvenir de mes grands-parents et de mon père, je vous invite, Monsieur le Président, à intervenir pour assurer un moratoire sur la vente de ces armes à l'Azerbaïdjan. Israël, fondé par les survivants et les descendants des survivants de la Shoah, ne peut fermer les yeux ni participer au génocide que l'Azerbaïdjan, avec l'aide du gouvernement turc, se préparent à commettre encore une fois en Arménie.

Ce serait un affront à la mémoire de mes ancêtres qui ont sauvé de nombreuses vies pendant la Seconde Guerre mondiale, mais plus encore, donc ce serait un terrible affront à la mémoire des victimes de la Shoah. Je ne peux pas croire un seul instant que le peuple d’Israël accepte d’être complice de ces crimes sachant ce qui se prépare. Je vous demande de nous aider dans l'intérêt de l'humanité et de la longue amitié entre les Juifs et les Arméniens, de vous tenir debout à nos côtés contre les horreurs de la guerre et de la destruction.

Dans l'annexe de cette lettre, veuillez trouver quelques preuves documentées de l'utilisation des munitions internationalement interdites par les forces armées azerbaïdjanaises.

Je tiens à vous assurer, Monsieur le Président, de ma très haute considération.

Nicolas Aznavour
Cofondateur de la Fondation Aznavour et Président du Conseil d'administration