RTBF La Trois : 30 avril à 12h30 et 2 mai à 21h00
Documentaire Durée 52’
Auteurs: Régis Genté et Nicolas Jallot
Réalisation Nicolas Jallot
Production: Transparences Productions, avec la participation de France Télévisions et de la RTBF .
Pour voir un extrait : https://vimeo.com/118244157
Entre avril 1915 et décembre 1916, plus d’un million d’Arméniens périssent en Turquie, purement assassinés ou décédés sur le chemin de la déportation. Retour sur un génocide longtemps occulté.
En 1915, Istanbul s’appelle encore Constantinople. Après s’être étendu sur trois continents, l’Empire ottoman, dont la ville est la capitale, voit son territoire se réduire inexorablement à partir de la fin du XIXe siècle. En Europe, des peuples, réclamant leur indépendance et soutenus par les puissances occidentales, se soulèvent contre le pouvoir central. Déjà affaibli par plusieurs revers militaires, l’empire subit une défaite cuisante dans les Balkans en 1912.
C’est dans ce contexte qu’émerge le mouvement des Jeunes-Turcs qui, après avoir renversé le sultan, s’empare du pouvoir en créant le Comité Union et Progrès. Gagnés par l’idéologie nationaliste, les nouveaux dirigeants – un triumvirat d’officiers formé par Enver, Talaat et Cemal – vont alors s’en prendre aux minorités ethniques et en particulier aux Arméniens. Installés depuis plus de 3 000 ans en Anatolie et majoritaires dans les six provinces orientales, ces derniers ont toujours vécu en bonne entente avec leurs voisins, tout en veillant à préserver leur identité culturelle et religieuse. Considérés néanmoins par les musulmans comme des citoyens de seconde classe, ils vont faire les frais de la montée du panturquisme et devenir les ennemis de l’intérieur. Le ralliement, lors de la Première Guerre mondiale, de quelques insurgés arméniens à l’armée du tsar, qui se bat dans le Caucase contre les Ottomans début 1915, servira de prétexte pour accuser toute la population de trahison. Les conscrits arméniens sont désarmés puis exécutés.
Un massacre programmé
Le 18 avril, 60 000 personnes meurent assassinées dans la région de Van. Mais, selon l’historien Raymond Kévorkian, « c’est le 24 avril que l’on considère comme la date de démarrage des violences de masse parce que ce jour-là les autorités décident de procéder à l’arrestation de l’ensemble de l’élite arménienne : députés au Parlement ottoman, avocats, hommes d’affaires, journalistes, écrivains… C’est le lancement officiel des opérations ».
Ces premiers déportés, partis de la gare Haïdar de Constantinople, disparaissent tous dans des lieux isolés au cours des semaines suivantes. A la rafle des 2 500 intellectuels s’ensuit celle du reste de la population. Les hommes sont abattus, jetés dans des gouffres ou des rivières, les femmes et les enfants envoyés dans des marches de la mort vers les déserts de Syrie et de Mésopotamie. Les deux tiers des Arméniens, près d’un million et demi de personnes, seront ainsi exterminés entre avril 1915 et décembre 1916.
Un siècle après le massacre de ce peuple, et malgré le déni en Turquie, le tabou est enfin levé sur ce pan de l’histoire. Comme le résume l’écrivain Hasan Cemal, petit-fils de l’un des principaux responsables du génocide : « Cela s’est déroulé de façon programmée. On peut l’appeler comme on veut, ça reste une infamie, quelque chose d’horrible, d’inhumain. »
Beatriz Loiseau