RTBF 24 avril 2015

En ce jour de commémorations du centenaire du début du génocide arménien, Grégoire Jakhian, président de l'assemblée des représentants de la communauté arménienne de Belgique, était "l'Acteur" de Matin Première face à Bertrand Henne. Sur un ton paisible et ouvert mais déterminé, il a notamment rappelé les errements de la Belgique dans la reconnaissance officielle de ce génocide et appeler les autorités belges à mettre fin à cette ambiguïté coupable.

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L'Arménie commémore ce 24 avril le 100e anniversaire du début du génocide de 1915 perpétré par les Turcs ottomans. Environ 1,5 million d’Arméniens sont morts au cours de ces massacres, planifiés par le pouvoir aux mains du parti des Jeunes-Turcs. Une commémoration que la Turquie critique vivement, elle qui nie toujours officiellement qu’il s’agisse là d’un génocide. Mais comme le rappelle Grégoire Jakhian, la Belgique non plus n’a toujours pas reconnu officiellement le génocide arménien. Ce petit-fils d’un rescapé du génocide arménien, évoque, à propos de ces faits historiques dramatiques, "une blessure due à l’injustice, à la souffrance, à l’absence de sépulture, à l’abandon pendant longtemps des consciences occidentales, une blessure alimentée par un négationnisme d’Etat persistant de la république turque" et par le manque de courage des pays occidentaux, soucieux de ne pas froisser leur allié turc. "Il y a une tentative de communautariser l’électorat belge d’origine turque" En effet, "de manière structurelle, institutionnelle, la Belgique n’a malheureusement pas reconnu le génocide arménien". Pour expliquer cette frilosité coupable des gouvernements belges qui se sont succédé sans reconnaître ce fait historique, notre invité renvoie à la défense "d’intérêts stratégiques et économiques". "Plus insidieux, il y a des considérations d’ordre électorales", dénonce Grégoire Jakhian.

"Il y a une tentative de communautariser l’électorat belge d’origine turque.

Celui-ci subit l’influence de la doxa négationniste de la République turque mais il est également victime du silence qui règne, notamment dans l’enseignement en Belgique". "Or ce génocide n’a de sens que s’il fait l’objet de programmes scolaires, comme c’est le cas pour la Shoah", invoque-t-il. Entretemps, "la mémoire n’est pas entièrement apaisée, elle est toujours atteinte de cette blessure". Une plaie mémorielle qui "porte cependant la volonté de transmettre de manière positive, une culture et d’inscrire ce génocide dans une perspective humaniste et universelle", affirme Grégoire Jakhian. Ce dernier renvoie à la pensée d'Imre Kertész, prix Nobel de littérature hongrois et survivant d’Auschwitz "qui insistait pour inscrire cette horreur dans une perspective humaine. Toute l’humanité est touchée par Auschwitz, toute l’humanité est touchée par le génocide arménien", indique-t-il. Cette attitude politique est indigne des critères moraux qui doivent s'appliquer à ce type d’événement, estime notre invité. "Je ne peux que renvoyer le gouvernement belge au travail surhumain, courageux de l’Allemagne, tant à l’égard de la Shoah que de ce génocide dont elle a été coresponsable".

Suivre l'exemple allemand

En effet, comme l'a rappelé Grégoire Jakhian, le président allemand, Joachim Gauck a saisi l'occasion de ces commémorations pour, non seulement utilisé le terme "génocide" (une première pour un chef d'Etat allemand) pour désigner le drame de 1915, mais surtout a reconnu, pour la première fois, la coresponsabilité de l’Allemagne dans ce génocide. "C’est fondateur", s'enthousiasme le président de l'assemblée des représentants de la communauté arménienne de Belgique. "Si la Turquie pouvait prendre appui sur l’exemple allemand, nous n’en serions pas là", estime-t-il. "Reconnaître un fait, reconnaître son histoire contribue à la dignité et à l’honneur d’une nation", affirme notre invité en saluant l’attitude de l'Allemagne d'après la Seconde guerre mondiale. Celle-ci a en effet mis en place un programme éducatif dans les écoles "qui a donné un résultat majeur et admirable : à savoir que l’Allemagne est le pays d’Europe où il y a le moins d’antisémitisme". En outre, le président allemand a reconnu la coresponsabilité de l’Allemagne et "la continuité entre le génocide arménien et la Shoah". "Parce que les militaires allemands, alliés de l’Empire ottoman, qui étaient sur place, ont rapporté les effets des techniques modernes et des effets des planifications sur un crime de masse que l’on n’appelait pas encore 'génocide'". Des techniques dont s'inspireront les nazis dans leur entreprise d'extermination des Juifs mais aussi des Roms, des homosexuels, etc. "Raison pour laquelle ce génocide a une portée universelle", analyse Grégoire Jakhian. Et c'est une raison de plus pour laquelle il demande au gouvernement belge "de répondre à cette attente de dignité, de répondre à cette exigence d’humanisme et de morale dans un souci d’éducation et de prévention", en reconnaissant officiellement la réalité du génocide arménien et de ses 1,5 million de victimes. RTBF