Regards - 7 mai 2015. Par Nicolas Zomersztajn

Suite à son absence à la minute de silence organisée par la Chambre des représentants en mémoire du génocide des Arméniens, le député PS Emir Kir a été convoqué par les instances de son parti pour une explication.

Après cette réunion, le PS a publié un communiqué confus et ambigu ne modifiant en rien le refus d’Emir Kir de reconnaitre le génocide des Arméniens.

Une occasion manquée ! 

Le député bourgmestre de Saint-Josse PS Emir Kir cause du souci à son parti en ce qui concerne ses positions négationnistes sur le génocide des Arméniens. Souci car le PS, à travers l’initiative du sénateur Philippe Mahoux en 1998, reconnait pleinement le génocide des Arméniens.

Dans ce dossier sensible, Emir Kir n’a jamais réussi à surmonter les tabous de la Turquie dont sont originaires ses parents. Il a même défrayé la chronique judiciaire en traînant devant les tribunaux des journalistes qui l’accusaient d’être un négationniste en 2004. Il fut débouté en première instance et par la suite, il a renoncé à interjeter appel de la décision rejetant sa plainte. La problématique a resurgi à nouveau à l’occasion du centenaire du génocide des Arméniens.

Suite à l’incident pathétique de l’impossibilité de tenir une minute de silence en mémoire des victimes de ce génocide au Parlement bruxellois, le PS a tenu à réaffirmer qu’il reconnaît le génocide des Arméniens, sans ambiguïté aucune. Et à cette occasion, le président du PS, Elio Di Rupo, et la présidente de la Fédération bruxelloise du PS, Laurette Onkelinx, ont tenu des propos très fermes à l’égard des mandataires PS d’origine turc s’étant répandu sur les réseaux sociaux à propos de leur prétendu lobbying efficace en ce qui concerne la minute de silence avortée.

Ce n’est qu’ensuite qu’Emir Kir est entré en scène en marquant de son absence la minute de silence du Parlement fédéral où il siège. Convoqué par le Secrétaire général du PS pour une mise au point et un rappel à l’ordre, voilà que la montagne PS accouche d’une souris en publiant un communiqué surréaliste dans lequel le PS rappelle qu’il reconnait le génocide des Arméniens, mais qu’Emir Kir s’obstine à ne pas le reconnaître :

« Emir Kir connaît la position de son parti, qu’il n’a d’ailleurs jamais remise en question », peut-on lire. Mais quelques lignes plus loin après avoir rappelé qu’Emir Kir « se veut un militant résolu de la réconciliation entre les peuples et s’oppose à toute forme de violence, à fortiori des violences politiques ou commises à l’encontre d’un peuple, quel qu’il soit », le PS sort de son chapeau le lapin du gouvernement fédéral pour nous expliquer ce que pense réellement Emir Kir : « A l’instar de la position officielle du gouvernement belge et donc de la Belgique, il reconnaît et déplore totalement cette tragédie humaine » ! Et comme le gouvernement fédéral, Emir Kir « encourage la Turquie et l'Arménie à poursuivre leurs efforts en vue de normaliser leurs relations pour tendre vers une reconnaissance de ce qui s'est réellement passé à l’époque ».

Mais quelle est la position officielle du gouvernement belge ? La non-reconnaissance du génocide des Arméniens ! En dépit de la résolution du Sénat de 1998, aucun gouvernement n’a jusqu’à ce jour reconnu le génocide des Arméniens. Et les propos du Ministre des Affaires étrangères (MR) Didier Reynders à Erevan ne laissent planer aucune doute à cet égard : « Il ne nous paraît pas opportun que d'autres instances se substituent au pouvoir judiciaire sur le terme génocide ».

Si Emir Kir tient la même position que le gouvernement, cela signifie donc qu’il ne s’est toujours pas conformé à la reconnaissance pleine et entière de son parti !

Mais la suite est encore plus pathétique, dans la mesure où le communiqué du PS explique ensuite qu’il est « urgent qu’un dialogue de mémoire s’instaure entre les citoyens, notamment d’origine arménienne et turque ». Au lieu de faire preuve de fermeté, le PS ne fait que renvoyer dos-à-dos Turcs et Arméniens, alors que personne n’ignore que dans cette problématique, il y a d’un côté la Turquie et son négationnisme d’Etat et de l’autre des Arméniens dont un million et demi des leurs ont été exterminés par les forces turques dirigées par le gouvernement Jeune-Turc. Il ne manque plus que la suggestion négationniste "soft" de créer une commission d’historiens censée établir ou non s’il y a bien eu génocide pour que la boucle soit bouclée.

Pire, le communiqué insiste sur la crainte de « la jeunesse turque d’être assimilée à des bourreaux, la crainte d’être stigmatisée, la crainte que cette reconnaissance ne passe sous silence le sort de toutes les victimes civiles -y compris turques- des conflits qui ont secoué l’Empire ottoman ». Il y aurait donc un génocide arménien commis sur les Turcs, comme l’affirme la pire des propagandes négationnistes turques ? C'est ce qu'on peut lire au musée ethnographique de Van, mais qu'aucun hsitorien digne de ce nom ne confirmera.

Le communiqué se conclut par un vibrant appel au dialogue des mémoires. Et pour ce faire, ils ont chargé Simone Susskind, députée bruxelloise PS et ancienne présidente du CCLJ, de le mettre en œuvre. On se demande bien ce qu’elle va pouvoir dire, si ce n’est que la condition préalable à ce dialogue est la reconnaissance turque du génocide des Arméniens. Tout le reste n’est que point de suspension. A cet égard, il est impératif de rappeler ce que l’historien israélien spécialiste de la Shoah et des génocides, Israël Charny, a dit aux députés de la Knesset concernant l’absurdité de la négation du génocide arménien : « Aucun Juif décent, aucun Israélien décent, ni aucune personne décente ne peut nier les faits historiques établis du génocide des Arméniens. Que direz-vous et que diriez-vous à quelqu’un qui nierait la Shoah ? Y aurait-il certaines conditions dans lesquelles vous “comprendriez”, “admettriez”, ou d’une quelconque manière, accepteriez la nécessité et par la suite la légitimité de sa négation ? ».

Ce communiqué du PS est regrettable, car l’ambiguïté ne peut tenir lieu de politique sur des questions de principe comme celle d’un crime qui touche et offense l’Humanité entière.