LaLibre.be - Christophe Lamfalussy - 16 juin 2015   

Un haut diplomate azéri basé à Bruxelles, Arif Mammadov, a été congédié pour avoir écrit un post sur son compte Facebook critiquant le gouvernement azéri après l’incendie dévastateur de Bakou le 19 mai dernier (15 morts). Son accréditation lui a été retirée, un journal gouvernemental a appelé à ce qu’il soit kidnappé à Bruxelles et ramené de force dans le coffre d’une voiture en Azerbaïdjan, tandis que cinq autres diplomates azéris, qui avaient "liké" (approuvé, NdlR) son post, ont été licenciés.

"On me traite d’arménien, d’homosexuel, d’espion russe dans les médias gouvernementaux", explique à "La Libre" le diplomate, qui vit depuis 20 ans à Bruxelles.

Cette affaire rocambolesque survient alors que l’Azerbaïdjan organise les premiers Jeux européens à Bakou, sous une pluie de critiques des organisations des droits de l’homme. Elles reprochent à l’homme fort du pays, Ilham Aliev, de conduire l’Azerbaïdjan avec une main de fer dans un gant de velours.

Arif Mammadov, ancien ambassadeur d’Azerbaïdjan à Bruxelles, était depuis 2013 le chef de mission de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) dans la capitale belge. Il est protégé par l’immunité diplomatique jusqu’au 22 juin, date à laquelle son contrat est rompu avec l’OCI.

Le lendemain de l’incendie de Bakou, le diplomate avait écrit sur son compte Facebook que "cette tragédie est une peine pour chaque Azéri. Personne ne tolérera autant de honte et d’injustice. Les officiels se font des millions sur la souffrance des gens, et s’ils ne craignent pas la colère du peuple, au moins qu’ils craignent la colère d’Allah". L’incendie était en partie dû à un revêtement en mousse polyuréthane appelé Styrofoam qui a servi à "embellir" les immeubles délabrés de la capitale azérie.

Le père diplomate congédié à cause de son fils

L’ambassadeur en Ukraine a également été congédié après que son fils, diplomate à Bruxelles, a "liké" le post. Au total, près de six diplomates auraient fait les frais de cette affaire… dont le porte-parole du ministère azéri des Affaires étrangères, Hikmat Hajiyev. Ce dernier s’est confondu en excuses quelques jours après, déclarant selon le site Azerireport.com, que "d’un point de vue technique, liker sur une plate-forme des réseaux sociaux ne signifie pas l’acceptation ou l’approbation d’une opinion, et veut davantage dire : je l’ai vu, je l’ai lu".

Le même porte-parole a indiqué le 3 juin que le comportement de Mammadov à Bruxelles était "irresponsable et non professionnel".

"Mon commentaire n’était pas très diplomatique", reconnaît aujourd’hui M. Mammadov. "C’était un défi lancé au gouvernement. Mais ils avaient une dent contre moi depuis longtemps.

" L’ex-diplomate a demandé une protection de la part des autorités belges, ce qui lui a été refusé par les Affaires étrangères, celles-ci estimant qu’il n’y a pas de danger pour sa sécurité.

M. Mammadov veut aujourd’hui obtenir un statut de réfugié et mener l’opposition contre le président Aliev à partir de Bruxelles. Il affirme avoir reçu lundi près de 500 demandes d’"amis" sur Facebook.

"C’est la première fois en vingt ans que les gens ont l’impression que les choses peuvent changer. J’ai fait bouger le système", dit-il. Sa popularité est grande, mais durera-t-elle ?