Questions jointes de
- M. Peter De Roover au premier ministre sur "le génocide arménien" (n° P0592)
- M. Patrick Dewael au premier ministre sur "le génocide arménien" (n° P0593)
01.01 Peter De Roover (N-VA): Il y a un siècle, le gouvernement de l’Empire ottoman de l’époque se lançait dans une opération de déportation et d’extermination du peuple arménien. D’autres minorités ont alors également été victimes de massacres. En 1918, à propos des massacres des Arméniens, le président américain Roosevelt parlait du ‘plus grand crime perpétré durant la guerre’. En 1987, le Parlement européen adoptait une résolution dans laquelle les tragiques événements survenus au cours de la période 1914-1917 étaient qualifiés de génocide, conformément à la définition figurant dans la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée en 1948. La Belgique était jusqu’à présent restée quelque peu à la traîne dans le débat sur la reconnaissance de ce génocide, mais de récentes déclarations du premier ministre ont fait renaître l’espoir.
Le premier ministre peut-il préciser devant notre Assemblée l’attitude officielle du gouvernement belge sur la question du génocide arménien?
01.02 Patrick Dewael (Open Vld): Il y a cent ans, entre un million et un million et demi d’Arméniens et de membres de minorités ont trouvé la mort dans ce qui constituait alors l’Empire ottoman. Les hommes durent se soumettre aux travaux forcés ou furent assassinés, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les malades furent déportés ou envoyés vers la marche de la mort. Ces faits correspondent parfaitement à la définition du génocide donnée par l’ONU. Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui encore, l’utilisation de ce terme demeure problématique, alors que les Arméniens ont besoin de cette reconnaissance pour que ce traumatisme puisse trouver sa place dans l’histoire. Cette reconnaissance est aussi nécessaire pour que nous puissions lutter, ensemble, contre la xénophobie et le nationalisme exacerbé et amener les peuples à se réconcilier. Le Parlement européen a déjà qualifié ces faits de génocide. Le Sénat l’a fait en 1998.
Dans une émission de la RTBF, le premier ministre a utilisé le terme "génocide". Le premier ministre acceptera-t-il aussi de qualifier ces faits de génocide?
01.03 Charles Michel, premier ministre (en néerlandais): Le gouvernement belge et moi-même estimons que les événements tragiques survenus entre 1915 et 1917, et dont le dernier gouvernement de l'Empire ottoman est responsable, doivent être qualifiés de génocide. Il est crucial pour l'avenir d'encourager les initiatives favorables au dialogue et à la réconciliation.
(en français) Je me réjouis de l’évolution constatée dans les discours officiels des gouvernements concernés: des condoléances ont été exprimées. En Europe, nous connaissons l’importance de la réconciliation. Il appartiendra à des juridictions de se prononcer. En 1998, une résolution du Sénat invitait le gouvernement turc à reconnaître le génocide perpétré par le gouvernement de l’empire ottoman. Elle se référait à la résolution du Parlement européen de 1987. Ces textes permettent à notre gouvernement d’expliciter une position. (Applaudissements)
01.04 Peter De Roover (N-VA): Je remercie le premier ministre et l’ensemble du gouvernement pour cette réponse sans détour qui permet de lever toutes les ambiguïtés. Je dépose aujourd’hui une proposition de résolution qui demande au gouvernement de continuer à suivre activement ce dossier. Le texte tend à replacer ces déclarations essentielles dans le cadre d’un processus de réconciliation entre la Turquie et l’Arménie, aujourd’hui empoisonné par cette question. La reconnaissance des faits historiques devrait lever un énorme obstacle qui entrave toute avancée vers une détente entre les deux États. Ce ne serait certainement pas un luxe superflu dans la région tourmentée où ces faits se sont produits.
01.05 Patrick Dewael (Open Vld): La réponse du premier ministre fera date. Il s’agit d’un signal fort adressé à tous les citoyens du monde. Nous devons avoir le courage de regarder la vérité en face. En reconnaissant cette sombre page de l’histoire du monde, nous devons nous efforcer d’empêcher que l’histoire ne repasse les plats. Passer sous silence, oublier, ou pire encore, nier est en effet la pire insulte qui puisse être faite aux victimes.
L'incident est clos.
Source: Chambre des Représentants