Le Monde.fr - 03.09.2015 - Par Marie-Aude Roux

Alain Altinoglu sera-t-il enfin le bon ? Après une année de vacance depuis le départ fracassant de Ludovic Morlot en décembre 2014, le Théâtre de la Monnaie vient d’officialiser la nomination du chef d’orchestre parisien à la direction musicale de la maison d’opéra bruxelloise, à partir de janvier 2016.

A presque 40 ans (il est né à Alfortville, dans le Val-de-Marne, le 9 octobre 1975), le Français d’origine arménienne, formé au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, ajoute un nouveau défi à une carrière déjà bien remplie.


Premier chef invité à l’Orchestre national de Montpellier, de 2007 à 2010, il n’a, en effet, jamais occupé le poste de chef permanent.
Mais sa réputation de chef lyrique, forgée sur les grandes scènes internationales, de l’Opéra de Paris au Metropolitan Opera de New York, en passant par le Théâtre des Champs-Elysées, les opéras de San Francisco, Zurich, Londres, Vienne, Berlin, Munich, parle pour lui. Ce d’autant qu’il a fait, cet été, des débuts remarqués au Festival de Bayreuth dans Lohengrin, de Wagner – premier Français à diriger dans la salle mythique du Festspielhaus depuis Pierre Boulez.

Programme d’austérité

Alain Altinoglu, dont les liens avec La Monnaie s’étaient visiblement resserrés depuis qu’il y a dirigé, en 2011, Cendrillon, de Massenet, sait qu’il ne vivra pas forcément un conte de fées.

Le vénérable Théâtre royal, fondé en 1700, porté au-delà des frontières du royaume sous l’égide de directeurs charismatiques comme Gerard Mortier et Bernard Foccroulle, de danseurs et chorégraphes comme Maurice Béjart et Anne Teresa De Keersmaeker, n’a pas été épargné par le programme d’austérité du gouvernement fédéral belge. En décembre dernier, son directeur général, Peter de Caluwe, en poste depuis 2007, a dû se résoudre à réduire le nombre de productions (en supprimant notamment l’opéra baroque) et à abandonner les spectacles de danse.

L’autre écueil vient des musiciens d’orchestre, qui ne se sont jamais remis du départ en 2008 de leur directeur musical, Kazushi Ono, exfiltré par Serge Dorny à l’Opéra national de Lyon. Ils n’ont pas fait de cadeau à Mark Wigglesworth qui lui a succédé. Pas plus qu’au Français Ludovic Morlot, arrivé en 2012 pour un mandat de cinq ans, démissionnaire au bout de trois.

« Développer le rayonnement de La Monnaie »

Mais Altinoglu est une chance pour les Bruxellois dont le niveau a beaucoup baissé ces dernières années.

« Je suis impatient d’approfondir cette belle et forte relation de travail », a d’ailleurs assuré ce dernier dans un communiqué. « J’aspire à poursuivre une programmation innovante tant dans le domaine lyrique que symphonique et à développer le rayonnement de La Monnaie, qui a sa place parmi les maisons d’opéra les plus réputées et les plus performantes. »

De son côté, Peter de Caluwe s’est réjoui de ce que « l’alchimie entre chef et musiciens ainsi que la qualité musicale » soient entre d’aussi bonnes mains. Il est de notoriété publique que les chanteurs adorent travailler avec cet excellent pianiste dont la formation de chef de chant reste pour eux un atout fondamental.

Bruxelles ne devrait pas freiner l’irrésistible ascension de l’un de nos meilleurs chefs français : Alain Altinoglu sera dans la fosse de l’Opéra de Paris en mars 2016 pour la très attendue production de Iolanta/Casse-Noisette, de Tchaïkovski, dirigera en mai Pelléas et Mélisande, de Debussy à l’Opernhaus de Zurich, avant de faire ses débuts au Festival de Salzbourg durant l’été.

Marie-Aude Roux - Journaliste au Monde