dhnet.be. A. F. et N. G. - 03/11/2015
Mais plusieurs Turcs voient sa victoire comme un danger pour la démocratie.
La formation islamo-conservatrice AKP du président turc Recep Teyyip Erdogan a remporté, avec une écrasante majorité (69,4 % des voix), les élections législatives du dimanche 1er novembre. Lors des élections du mois de juin, l’AKP avait, pour la première fois depuis 2002, perdu la majorité absolue, et était donc contrainte de gouverner en coalition. Mais le président a convoqué de nouvelles élections, qu’il a remportées haut la main. Recep Erdogan reste donc maître d’une Turquie qu’il dirige de manière autoritaire et, pour certains observateurs, inquiétante.
À Bruxelles, la diaspora turque est massivement présente à Saint-Josse et dans des quartiers de Schaerbeek. L’AKP y a été plébiscité avec un score de 64 %. D’une manière générale, la population turque affiche son soutien indéfectible au président, en poste depuis 2002.
C’est le cas d’Ahmed, qui estime que depuis qu’Erdogan est à la tête de ce pays de 74 millions d’habitants, la situation économique, sociale et financière s’est considérablement améliorée : "il a rétabli la santé économique du pays, il a amélioré l’état des routes et plusieurs autres mesures concrètes, visibles sur le terrain, qui ont permis d’améliorer la vie des Turcs." Selon lui, le fait que la coalition avec le Parti démocratique des peuples (HDP) soit dissoute est positif. "Un pays comme la Turquie a besoin d’être représenté par un homme charismatique comme Erdogan, cela plaît aux gens."
Mehmet est né en Belgique mais retourne régulièrement en Turquie. "Les transformations en 13 ans sont remarquables", explique ce Schaerbeekois de 39 ans. "Il y a une amélioration tant en termes d’infrastructures, de tourisme ou d’économie puisque la Turquie est devenue la quinzième économie mondiale."
Des avancées que Bahar (nom d’emprunt) reconnaît bien volontiers. Cette dame ajoute cependant que le résultat de cette élection est "inquiétant", pour la démocratie en Turquie et en Europe. Plusieurs riverains de Saint-Josse partagent cette inquiétude et le président Turc ne fait pas l’unanimité.
" Pour moi, Erdogan tient un double langage", explique Fazil (nom d’emprunt). "Quand il est dans des pays d’Europe, il parle de démocratie, de laïcité, de liberté de la presse, de liberté de religion. Mais selon moi, il tente d’islamiser encore davantage la Turquie. Il se dit musulman modéré mais je ne le vois pas comme ça", ajoute le jeune homme, qui ne manque pas de souligner les événements d’avant les élections, lorsque la police de l’AKP a pris possession de plusieurs médias d’opposition.
L’homme justifie la popularité d’Erdogan à Bruxelles grâce au travail réalisé par l’ambassade et les imams des mosquées qui véhiculent sa pensée auprès de Turcs installés ici.
Pour Saïd, qui tient son commerce près de la chaussée d’Haecht, Erdogan a entamé son premier mandat d’une manière modérée. "Mais à partir de 2007, il a changé pour progressivement devenir un dictateur."
Emir Kir,bourgmestre de Saint-Josse: "Un président apprécié pour son bilan économique"
"Je pense que l’AKP d’Erdogan est surtout apprécié auprès de la communauté turque de Bruxelles pour ses résultats dans le développement économique du pays. Lorsqu’ils se rendent au pays, ils peuvent constater les nombreux équipements qui ont été mis en place : trains à grande vitesse, hôpitaux, stades, etc. Un autre aspect, c’est la politique menée à l’égard des réfugiés et la main tendue aux Syriens. Enfin, c’était la première fois que la diaspora était en mesure de voter en Belgique, d’où l’adhésion à cette élection."
"L’intégration d’une partie de la diaspora turque est un échec"
Les électeurs turcs avaient la possibilité de voter dans les deux consulats de Bruxelles et d’Anvers. L’AKP remporte 74,56 % des voix à Anvers et 64 % à Bruxelles. Cette domination sans partage du Parti de la justice et du développement s’explique selon les observateurs par l’importance de l‘immigration anatolienne en Belgique, un électorat plus rural et plus conservateur.
Des experts ont affirmé que "le problème des allochtones Turcs en Europe en général, c’est que l’intégration n’a pas réussi. Ce n’est pas de leur faute, mais bien des Nations Unies et de l’Union Européenne. Dès que la communauté turque est venue s’implanter à Bruxelles, elle a continué à rester cloisonnée, à vivre ensemble mais du coup, beaucoup de Turcs de Belgique ne parle pas un mot de français ou de néerlandais." L’expert affirme que ces gens restent plus attachés à leur terre natale, avec une mentalité conservatrice qui va spontanément les orienter vers le parti de l’AKP, avec son président autoritaire à sa tête. "N’oublions pas que l’AKP s’est emparé, avant les élections de médias d’opposition, ce qui peut également influencer le résultat de ces élections."