Le Monde.fr avec AFP | 03.04.2016
Au moins 30 soldats ont été tués à la frontière de la région séparatiste du Haut-Karabakh dans des affrontements entre forces azerbaïdjanaises et arméniennes dans la nuit de vendredi 1er à samedi 2 avril.
« Il s’agit des plus graves combats armés depuis la mise en place d’un cessez-le-feu [entre Erevan et Bakou] en 1994 », a souligné le président arménien, Serge Sarkissian, dans une allocution télévisée, ajoutant que « 18 militaires arméniens [avaie]nt été tués et environ 35 blessés ».

De son côté, le ministère de la défense azerbaïdjanais a annoncé qu’au moins « douze soldats [avaie]nt été tués au combat, et un hélicoptère, abattu par les forces arméniennes ».
Selon Erevan, « l’Azerbaïdjan a lancé vendredi soir une attaque massive à la frontière du Haut-Karabakh avec chars, artillerie et hélicoptères » ; ce que Bakou a immédiatement démenti, assurant que ses forces n’avaient fait que répondre à une offensive du côté arménien.
« Au cours des deux dernières heures, la situation sur la ligne de confrontation s’est stabilisée. Les tirs ont cessé », a annoncé samedi vers 23 h 30 (20 h 30 en France) le porte-parole du ministère de la défense azerbaïdjanais.

Appels au « cessez-le-feu immédiat »

Le chef de l’Etat russe, Vladimir Poutine, a appelé « les deux parties à un cessez-le-feu immédiat et à faire preuve de retenue pour éviter qu’il y ait de nouvelles victimes ». Ses ministres des affaires étrangères et de la défense ont aussi téléphoné à leurs homologues azerbaïdjanais et arméniens.
De même, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a condamné « dans les termes les plus forts » ces affrontements, pressant les deux parties de « respecter strictement » l’accord signé en 1994. Il a demandé aux belligérants, à l’instar du chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), « d’entrer immédiatement en négociations sous les auspices du groupe de Minsk ». Ce groupe de médiateurs internationaux a également souligné dans un communiqué sa « vive préoccupation » face à une éventuelle escalade.

En froid avec Erevan, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a assuré, de son côté, sa « solidarité » avec son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev. La haute représentante de l’Union européenne, Federica Mogherini, a appelé pour sa part à « la fin immédiate des combats » – un appel repris par le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, et le président français, François Hollande.

Reprendre la région par la force

Le Haut-Karabakh, rattaché à l’Azerbaïdjan à l’époque soviétique, a déjà été le théâtre d’une guerre. Entre 1988 et 1994 elle a fait 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés, principalement des Azerbaïdjanais. Le Haut-Karabakh est désormais peuplé majoritairement d’Arméniens. Malgré la signature en 1994 d’un cessez-le-feu, aucun traité de paix n’a jamais été signé.
Jeudi, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, en visite à Washington, avait exigé devant le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, « le retrait immédiat et sans conditions des troupes arméniennes » de la zone.
Son pays, dont le seul budget consacré à la défense est certaines années plus important que le budget entier de l’Arménie, menace périodiquement de reprendre par la force la région séparatiste si les négociations n’aboutissent pas. Le gouvernement d’Erevan estime, lui, que le pays pourrait faire face à toute offensive.
Son puissant voisin russe possède une base terrestre et une base aérienne, renforcée en février par Moscou avec notamment des avions de chasse de quatrième génération. En novembre 2014, les tensions entre les deux pays avaient culminé avec le crash d’un hélicoptère.