RTL Info - 05 avril 2016.
Lundi soir, Hakob Mertinian, un internaute, nous a fait part de son émotion face à un conflit dont l'ampleur grandit de jour en jour. Il s'agit de la situation dans le Caucase qui oppose les Arméniens aux Azerbaïdjanais. Un conflit "gelé" depuis plus de 20 ans qui s'envenime et comptabilise de nombreuses victimes, dont des femmes et des enfants.
Les combats entre les forces arméniennes et les troupes azerbaïdjanaises ont repris leurs assauts sanglants depuis vendredi dernier dans la région du Haut-Karabagh. Au moins 40 militaires des deux camps et 6 civils ont été tués ; plus de 200 militaires et civils blessés. C'est l'assaut le plus meurtrier depuis le cessez-le-feu instauré entre Erevan et Bakou en 1994. De son côté, le président turc Erdogan, allié de Bakou, semblait attiser les tensions en assurant que ce territoire "retournera un jour" à l'Azerbaïdjan.
Hakob, qui nous a contacté via le bouton orange Alertez-nous, n'est pas resté insensible face aux hostilités qui sévissent dans le Caucase. Parmi ses craintes, il cite le manque de couverture médiatique sur la scène internationale, l'importance stratégique du Haut-Karabagh dans le Caucase qui risque d'entrainer "une guerre sans précédent", et le nombre alarmant de victimes qui grandit à vue d'oeil, dont plusieurs enfants. Ou encore les questions que soulèvent certains médias, comme France Inter, à propos d'un conflit plus grand qui opposerait la Turquie à la Russie.
Un territoire déchiré entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
Ce conflit, dont les sources remontent à plusieurs siècles mais qui s'est cristallisé à l'époque soviétique lorsque Moscou a attribué ce territoire majoritairement arménien à la république socialiste soviétique d'Azerbaïdjan, intervient dans une région du Caucase stratégique pour le transport des hydrocarbures, près de l'Iran, de la Turquie et du Proche-Orient.
L'escalade militaire survient au moment où la Russie, qui a de bonnes relations avec l'Arménie, et la Turquie, alliée traditionnel de l'Azerbaïdjan, traversent une grave crise diplomatique sur fond de guerre en Syrie.
Multipliant les messages de soutien à Bakou, le président turc Recep Tayyip Erdogan a attisé les tensions lundi en assurant que "le Karabakh retournera un jour, sans aucun doute, à son propriétaire originel", l'Azerbaïdjan, renouvelant ses "condoléances" aux proches des "martyrs" azerbaïdjanais. Trois soldats azerbaïdjanais ont été tués par des "tirs de mortier et de lance-grenades depuis les tranchées" des forces arméniennes le long de la ligne de front, a annoncé le porte-parole du ministère, Vagif Dargahly, menaçant d'une "opération d'ampleur tout le long de la ligne de front" en cas de poursuite des "provocations arméniennes".
De nombreux civils parmi les victimes
Un porte-parole des autorités de la région séparatiste soutenue par Erevan, Artak Beglarian, a pour sa part déclaré à l'AFP que les combats avaient fait 3 morts de plus parmi les civils, "dont une femme de 92 ans, brutalement tuée par les troupes azerbaïdjanaises" dans le village de Talich.
Selon le ministère de la Défense du Haut-Karabagh, 20 soldats séparatistes ont au total perdu la vie et 72 blessés depuis la reprise des hostilités, cinq "volontaires" arméniens ayant été tués lundi quand leur autobus a été touché par un missile.
Dans un hôpital de Stepanakert, la "capitale" du Karabakh, deux enfants blessés samedi étaient toujours soignés, selon des journalistes de l'AFP. De leur côté, les forces arméniennes "ont largement avancé dans certaines zones du front et ont pris de nouvelles positions", a assuré le porte-parole du ministère arménien de la Défense, Artsrun Hovhannisyan. L'Azerbaïdjan a dénoncé de "fausses" affirmations, assurant contrôler depuis samedi plusieurs hauteurs stratégiques au Karabakh.
Les autorités des deux camps ouvertes aux négociations, sous certaines conditions
Les autorités du Haut-Karabagh ont déclaré être "prêtes à discuter d'une proposition de trêve" à condition de récupérer les positions et territoires perdus dans la région, reconnue comme appartenant à l'Azerbaïdjan par la communauté internationale. Le président arménien, Serge Sarkissian, a lui estimé qu'un cessez-le-feu ne serait possible que "si les militaires des deux camps retournent aux positions", qu'ils occupaient avant la reprise des hostilités.
Sujet numéro 1 entre John Kerry et Sergueï Lavrov
La crise à été le "sujet numéro 1" d'une conversation téléphonique entre le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, selon le département d'Etat. "Nous exhortons les deux camps à cesser immédiatement l'usage de la force et à éviter toute forme d'escalade", a dénoncé son porte-parole Mark Toner, qualifiant de "lamentable" le nombre "élevé" de victimes.
Les deux ministres "ont condamné les tentatives de « parties extérieures » au conflit pour aggraver la confrontation", a rapporté de son côté du ministère russe de la Défense, semblant dénoncer les propos du président turc.
Des négociations sous les auspices de la France, des Etats-Unis et de la Russie, co-présidents du Groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) chargé de trouver une issue à ce "conflit gelé" depuis plus de 20 ans, doivent se tenir à Vienne mardi.
Après une guerre ayant fait 30.000 morts et des centaines de milliers de réfugiés, principalement azerbaïdjanais, le Haut-Karabagh est passé sous le contrôle de forces séparatistes proches d'Erevan. La région est désormais peuplée majoritairement d'Arméniens. Aucun traité de paix n'a été signé et après une période de calme relatif, la région a connu ces derniers mois une nette escalade des tensions, Erevan estimant fin décembre qu'on était revenu à la "guerre".