AL- ActuaLitté. Par Cécile Mazin – 19/08

Le nettoyage auquel procède le président turc se poursuit, avec une nouvelle victime, la romancière Asli Erdogan. La police s’est rendue à son domicile ce 17 août pour procéder à son arrestation.

L’auteure fut parmi les premières à présenter des excuses publiques, dès 2008, au peuple arménien, pour les atrocités commises par la Turquie.

Chroniqueuse dans le journal pro-kurde Özgür Gündem, depuis 2011, l’auteure avait déjà été attaquée par le régime du président Erdogan. Quelques heures avant son interpellation, le journal avait été fermé, sur ordonnance du tribunal turc. En tout, 23 auteurs ont été mis en garde à vue, accusés d’avoir diffusé la propagande du PKK.

Asli Erdogan avait étudié l’informatique et la physique, et travaillé au sein du centre nucléaire Cern, à Genève, puis enseigné à l’université catholique de Rio de Janeiro. C’est dans cet intervalle qu’elle a débuté sa carrière d’auteure, attirant très rapidement l’attention du gouvernement turc. Son premier ouvrage fut publié en 1994 et ses romans sont publiés aux éditions Actes Sud.

Elle avait notamment médiatisé plusieurs affaires de viol commis sur des filles kurdes par la police turque – ce qui lui valut de lourdes pressions. Elle avait également été agressée, toujours par les forces policières affirmait-elle, pour avoir dénoncé les conditions de vie dans les prisons du pays. Elle évoquait également les séances de tortures organisées par les policiers.
 En 2008, elle avait été arrêtée avec violence : en avaient résulté de graves blessures qui l’obligent à suivre un traitement médical encore aujourd’hui. Elle est également condamnée au port d’une minerve.

Dans un communiqué de presse, la conseillère culture allemande du groupe écologique, Lisa Rücker, a demandé que tous les pays de l’Union européenne interviennent. « Les menaces sont croissantes contre la liberté d’expression en Europe », lance-t-elle. Et de pointer le gouvernement turc et ses actions contre « les artistes persécutés, des journalistes et des femmes de lettres ».

Âgée de 49 ans, Asli Erdogan est née à Istabnbul en 1967. Elle avait reçu le plus important plus littéraire de Turquie. Selon les informations communiquées par les agences de presse, elle n’a même pas eu l’occasion de consulter son avocat.

L’association des éditeurs de Turquie, dans un communiqué, la Türkiye yayıncılar birliği, attire une fois de plus l’attention. « Il est extrêmement préoccupant en terme de liberté de publication d’assister à ces arrestations, ces détentions, des raids et des saisies dans les maisons d’édition », expliquent-ils. « Nous exhortons le gouvernement à agir en conformité avec les droits et les libertés fondamentales de toutes les personnes. »
« Nous lisons les signes que les mesures prises pour l’État d’urgence se transforment en une chasse aux sorcières contre les gens exprimant des opinions politiques pourtant sans rapport avec celles des organisateurs du coup d’État manqué – et contre tous les citoyens ayant un point de vue critique. »

L’arrestation relève de toute évidence des purges entamées par le président Recep Tayyip Erdogan – qui a déjà fait fermer 29 maisons d’édition suite au coup d’État survenu dans la nuit du 15 au 16 juillet.
Le PEN International avouait être particulièrement préoccupé par la situation politique. Suite aux vagues de répression, « près de 70.000 personnes ont été arrêtées, font l’objet d’une enquête, ont été suspendues ou congédiées. On compte au moins 59 journalistes et écrivains », poursuit l’organisation. « Le Pen International appelle la Turquie a sauvegarder la liberté d’expression, les droits de l’homme et respecter ses obligations en vertu du droit international, durant cette situation d’urgence. »

On apprend également que le journaliste Ragip Zarakolu, dessinateur de presse, et auteur d’articles critiques, a été arrêté à la même date.