France-Culture – 09/05/2018. Par Marie-Pierre Vérot et Lise Verbeke. (Photo: M-P Vérot Radio France)

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Reportage | En Arménie, Nikol Pachinian n'est plus chef de l'opposition mais chef du pays. Il a été élu Premier ministre ce mardi 8 mai. Sa candidature avait été rejetée, mais sous la pression de la rue et de "la révolution de velours", le parti républicain, au pouvoir, a fini par céder.

Les Arméniens ont éclaté de joie, mardi 8 mai, après le vote des députés du Parlement arménien. Celui qui se présente comme étant "le candidat du peuple", Nikol Pachinian, a été élu Premier ministre, par 59 voix pour et 42 contre.

Après trois semaines de protestations antigouvernementales, ce que les Arméniens ont appelé "la révolution de velours", Nikol Pachinian, ancien journaliste et député d’opposition, a pris la tête de cette ex-république soviétique du Caucase du Sud. Après la démission le mois dernier de Serge Sarkissian, accusé de corruption, son élection sonne dans le pays comme une promesse de renouveau. Retour sur cette journée qui a permis au pays de tourner une page.

Dès mardi matin, des dizaines de milliers d'Arméniens se sont massés place de la République, en plein cœur de la capitale Erevan, lieu de manifestations depuis le début de la Révolution, pour célébrer ce vote.

Hommes, femmes, jeunes, et moins jeunes, familles, ont répondu à l'appel de Nikol Pachinian, qui leur avait, une fois de plus, donné rendez-vous là. Ils brandissent des drapeaux, des ballons, portent des tee-shirts à l'effigie du nouveau Premier ministre.

La foule scande "victoire", des danses s'improvisent, les sourires ne quittent pas les visages, comme celui de cette jeune femme : Je déborde de sentiments, et il faut dire qu’aujourd’hui j'ai beaucoup pleuré. Mais j'ai pleuré de joie ! C'est la victoire, c'est notre victoire, la justice a triomphé.

"Aujourd'hui, tout ne fait que commencer"

L'espoir suscité par ce changement de pouvoir est énorme, "nous sommes sûrs que cela va continuer, indique un manifestant, nous sommes sûrs que le peuple arménien mérite une meilleure vie. Aujourd'hui, tout ne fait que commencer. Chaque Arménien doit faire tout son possible pour que tout s'arrange dans notre pays ".

"La révolution de velours" a surtout été portée par la jeunesse, fer de lance de la contestation. "Nous avons fait en 10 jours ce que vous n'avez pas réussi en 10 ans", disent les étudiants à leurs parents.

Mardi, Nikol Pachinian est venu saluer ses partisans après le vote et a lancé à la foule : "A partir de maintenant, plus personne ne pourra violer les droits et les libertés du peuple arménien". Le nouveau Premier ministre promet de s'attaquer aux injustices dans un pays endetté, miné par la corruption, dont plus d'un quart de la population vit dans la pauvreté. Le taux de chômage s'élève à près de 20%.

Selon le politologue à l'institut d'étude du Caucase, Alexander Iskandaryan, la tâche est immense : La lutte contre la corruption est un problème systémique, cela va prendre des années, des décennies. L'autre problème systémique est le développement économique, il faudra aussi y travailler durant des décennies. Les monopoles dans l'économie, les liens entre le business et la politique sont des maux structurels, etc, etc. Il faudra des années pour cela, parce qu'en plus, il y a la pauvreté, le chômage, l'émigration. L'Arménie n'est pas un pays si grand. Ce sera très important dès le début de voir avec quelles personnes le nouveau Premier ministre va s'entourer.

La politique intérieure risque donc d'être compliquée pour Nikol Pachinian, mais aussi la politique étrangère. L'Arménie est en guerre avec l’Azerbaïdjan pour le Haut-Karabagh, les relations avec la Russie sont compliquées, mais aussi avec la Turquie. L'opposant victorieux va devoir se transformer en homme d'Etat.