Le Monde – 06/02
Il l’avait promis lors de sa campagne, et rappelé le 31 janvier 2018. Lors du dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), mardi 5 février, à Paris, Emmanuel Macron a annoncé que la France allait faire du 24 avril une « journée nationale de commémoration du génocide arménien ».
Un geste que les Arméniens de France attendaient avec impatience, et c’est une source de tensions régulières entre la Turquie et les pays de l’Union européenne.
« La France c’est d’abord et avant tout ce pays qui sait regarder l’histoire en face (…), qui dénonça parmi les premiers la traque assassine du peuple arménien dans l’Empire ottoman », a dit le chef de l’Etat français. Un pays « qui, dès 1915, nomma le génocide pour ce qu’il était : un crime contre l’humanité, contre la civilisation. Qui, en 2001, à l’issue d’un long combat, l’a reconnu dans la loi, et qui, comme je m’y étais engagé, fera dans les prochaines semaines du 24 avril une journée nationale de commémoration du génocide arménien », a-t-il ajouté.
M. Macron a informé le président turc
Le président français a précisé avoir au préalable informé le président turc, Recep Tayyip Erdogan, de sa décision. La France a « un dialogue exigeant avec le président turc », a-t-il dit. « Nous avons des désaccords assumés sur la lutte contre Daech [acronyme de l’organisation Etat islamique], les libertés fondamentales en Turquie, le génocide et le passé, et les droits de l’homme en Turquie. Nous avons des points de convergence qui justifient le dialogue, comme la nécessité d’une transition politique en Syrie. A ce titre le dialogue avec la Turquie est indispensable. Je me refuse à rompre le fil du dialogue. »
Mercredi matin, la Turquie a cependant condamné fermement l’instauration de cette journée de commémoration. Ankara reconnaît qu’un grand nombre d’Arméniens ont été tués par les Turcs durant cette période mais conteste l’idée qu’il y ait eu une volonté systématique de les exterminer, rejetant de ce fait le terme de « génocide ».
La France a reconnu officiellement en 2001 le génocide arménien, commémoré chaque année le 24 avril en Arménie et dans le Haut-Karabakh, une province arménienne rattachée à l’Azerbaïdjan autoproclamée indépendante à la chute de l’Union soviétique. Entre 1,2 million et 1,5 million d’Arméniens ont été tués de manière systématique à la fin de l’Empire ottoman entre 1915 et 1917.
Hommage à Charles Aznavour
Le président Macron a aussi rendu hommage à Charles Aznavour, disparu le 1er octobre 2018. Le fils du chanteur, Nicolas Aznavour, lui a offert un doudouk, une flûte traditionnelle arménienne en bois d’abricotier. Le chef de l’Etat a également salué la mémoire du compositeur Michel Legrand, mort le 26 janvier, et dont la mère était d’origine arménienne.
Parmi les 350 invités, réunis dans un hôtel parisien, figuraient comme chaque année des personnalités politiques et des célébrités comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, ou encore le président des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, et l’ancien joueur de football Youri Djorkaeff.
La communauté arménienne a applaudi l’annonce de la journée nationale de commémoration. « Nous avons apprécié que le président ait tenu son engagement, c’est un pas de plus vers une reconnaissance de plus d’un fait incontestable », a commenté le coprésident du CCAF, Mourad Papazian, pour qui « la France est un exemple dans le monde concernant le génocide arménien ».
Emmanuel Macron s’est rendu en octobre en Arménie pour le sommet de la francophonie à Erevan, où il a annoncé qu’il reviendrait prochainement pour une visite d’Etat.
Le Monde avec AFP et Reuters