Chers amis,
Nous sommes, ici, réunis sur cette terre d’exil, pour la huitième fois pour saluer le courage exemplaire de Hrant Dink et saluer son combat pour la justice et la paix.
Il nous a quittés il y a huit ans, telle une colombe de la paix en plein vol vers la liberté et la fraternité pour toute l’humanité.
Son journal Agos nous rappelle aujourd’hui: « Le 19 janvier n’est pas seulement le huitième anniversaire de ce crime odieux dont Hrant est la victime, mais également le début du centième anniversaire du génocide de son peuple. Un génocide qui a visé plus tard non seulement le peuple arménien, mais également les peuples assyriens, yézidis, grecs et kurdes.»
Oui, déjà huit ans se sont écoulés depuis l’assassinat de Hrant. Mais il n’y a toujours pas de justice suite à son assassinat. Après huit ans de sales manœuvres juridico-politico-administratives, toujours pas de justice…Il y a un tas de preuves qui montrent que le meurtre a été commis avec l'aide et les instructions des fonctionnaires de l'État… Mais le même état continue à protéger et à promouvoir les commanditaires de ce crime.
Aujourd’hui, le parti d’Erdogan, dans une nouvelle tentative pour se débarrasser de la responsabilité du crime, essaye de culpabiliser une confrérie pour le meurtre de Hrant. Mais tout le monde sait très bien ceci: Quelles que soient les tractations actuelles, le pouvoir d’Erdogan, la confrérie en question, l’Armée, la police, la justice et les médias turco-islamiques sont tous complices des crimes atroces commis contre les citoyens.
Cette année-ci, en 2015, l’heure de vérité est arrivée. Tous ceux qui attendaient un pas décisif venant des héritiers du parti Union et Progrès pour la reconnaissance du génocide des Arméniens et Assyriens se sont trompés une fois de plus. Erdogan n’a non seulement pas répondu à l’invitation de son homologue arménien de se rendre le 24 avril à Erevan, mais il allume de surcroit un contre-feu diplomatique… Il a changé le jour de la cérémonie du souvenir du débarquement de Gelibolu.
Cette manœuvre vise clairement à neutraliser la présence prévue des chefs d’État étrangers ce jour-là à Erevan.
L’année passée, ici, j’avais rappelé que 2014 était le centenaire de l’assassinat d’une autre colombe de la paix, Jean Jaurès.
C’est année-ci, il y a quelques jours, les forces obscurantistes soutenues par le régime d’Ankara ont assassiné à Paris une partie de l’équipe de rédaction de Charlie Hebdo. Et dans une hypocrisie nauséabonde, le premier ministre néo-ottoman Davutoglu a participé à la grande manifestation pour la liberté d’expression à Paris alors que la violation de la liberté d’expression dans son pays est fréquemment dénoncée et protestée par les institutions internationales. De plus, de retour à Ankara, il n’a pas hésité d’attaquer les journalistes de Charlie Hebdo tout en justifiant ainsi l’acte criminel de ses coreligionnaires.
Et une question… Les dirigeants européens, qu’est-ce qu’ils font contre ces sales manœuvres d’Ankara? Il y a quelques jours le premier ministre Davutoglu a été accueilli à Bruxelles pour accélérer le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Le même soir, Davutoglu n’a pas hésité à faire la propagande islamiste devant les immigrés turcs réunis dans une salle prestigieuse à Bruxelles. Il n’y a aucune réaction de la part des autorités belges.
Pire encore… Les dirigeants belges ont déjà honoré le pouvoir d’Erdogan par l’attribution d’Europalia 2015 à la Turquie juste au centenaire du génocide des Arméniens et Assyriens. Malgré tout cela, nous sommes résolus de crier encore plus haut pour révéler les crimes odieux et les manoeuvres hypocrites de ce régime honteux. Il y a huit ans, ils ont tué Hrant pour faire taire la voix de tous ceux qui cherchent la vérité, ceux qui luttent pour la fraternité des peuples arméniens, assyriens, grecs, juifs, kurdes, turcs, ézidis… Promettons aujourd’hui encore une fois de plus à Hrant que cette voix, ce cri pour la fraternité, pour la justice ne sera jamais étouffé. Il sera encore plus fort pour la reconnaissance de toutes les vérités de l’histoire… Jusqu’à une demande solennelle de pardon par l’Etat turc à tous les Hrant…
Hrant, mon frère, mon confrère, tu peux compter sur nous…
Dogan Özgüden, rédacteur en chef d'Info-Türk