Collectif VAN - www.collectifvan.org – 03/04/2015

Lancé à Bruxelles en 1969, Europalia est un grand festival international qui présente tous les deux ans l’essentiel du patrimoine culturel d’un pays. En 2015, Europalia fêtera un double anniversaire : ses 45 ans et son 25e festival. D'octobre 2015 au 31 janvier 2016, Europalia mettra le cap sur la Turquie. Une opération de promotion sans doute téléguidée par Ankara pour faire obstacle aux commémorations mondiales des 100 ans du génocide arménien et présenter une image plus positive de cet État négationniste et prédateur des droits de l'Homme.

 

André du Bus, membre du Centre Démocrate Humaniste (cdH), député à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Communauté française de Belgique, conseiller communal à Etterbeek, s'est ému de la situation et a interrogé Rudy Demotte, ministre-président, à propos des « Enjeux politiques liés à la présence d’œuvres arméniennes dans le cadre d’Europalia 2015 ».

André du Bus semble se satisfaire de la réponse (plutôt vague) obtenue. Pour sa part, le journaliste et militant turc Dogan Ozguden s'interroge avec raison : "Le Festival s’ouvrira dans six mois, plus exactement le 6 octobre 2015… Si l'on tient compte de toutes les composantes de la Turquie, quelles institutions communautaires sont les interlocuteurs d’Europalia en Turquie et dans les diasporas pour les composantes kurde, arménienne, assyro-chaldéenne-syriaque, grecque, juive et yézidi?" Le Collectif VAN vous invite à lire cette information publiée sur le site officiel d'André du Bus le 30 mars 2015.

André du Bus - 30 mars 2015

Des oeuvres arméniennes dans le cadre d’Europalia Turquie

Interpellation à l’attention de Monsieur Rudy Demotte, ministre-président, à propos des «Enjeux politiques liés à la présence d’œuvres arméniennes dans le cadre d’Europalia 2015» (Article 76 du règlement)

Monsieur le Ministre Président, lorsque j’ai appris, en 2013, que le festival Europalia 2015 serait consacré à la Turquie, j’ai oscillé entre deux sentiments. D’une part, je me suis réjoui à l’idée de pouvoir profiter du patrimoine immense dont regorge cette région du monde, considérée comme un berceau des cultures. D’autre part, je n’ai pu refouler mon inquiétude quant aux réflexes autoritaires et aux atteintes aux droits de l’homme, plus particulièrement à la liberté de la presse, qui subsistent dans ce pays.

Le 24 avril prochain, les cent ans du génocide arménien seront commémorés. Lors de ce tragique moment de l’Histoire, plus de 2 000 édifices religieux furent détruits. Les biens qui y étaient attachés firent l’objet de mesures de spoliation.

Cette perte est inestimable. Pourtant, encore aujourd’hui, la République turque refuse de reconnaître comme génocide les massacres perpétrés et les déportations commises entre les mois d’avril 1915 et de juillet 1916.

L’année dernière, j’avais interpellé les autorités fédérales et communautaires afin d’en savoir plus sur la prise en considération de la culture arménienne lors du festival Europalia 2015 qui fêtera, lors de son ouverture le 6 octobre prochain, ses 45 ans et sa 25e édition. J’avais obtenu deux réponses.

Sur le plan financier, notre Fédération n’intervient que de manière infime puisqu’elle octroie 25 000 euros par an sur un budget global qui s’élève à 1 312 000 euros. Sur le plan diplomatique, il n’y a, a priori, pas lieu de s’inquiéter. Ce festival des arts a toujours veillé à dépasser les querelles politiques pour se concentrer sur sa mission culturelle, en toute indépendance. La mise en valeur culturelle des différentes communautés et régions du pays représenté aurait même fait l’objet d’un préaccord entre Europalia et la Turquie.

Vous conviendrez qu’en organisant un événement qui accueille un million de visiteurs l’année du 100e anniversaire d’un génocide perpétré par le pays hôte, il y a lieu d’être attentif à un juste équilibre des œuvres présentées. Cet événement représente une occasion, pour nos services diplomatiques, d’apaiser les relations et de ménager les susceptibilités.

La portée politique de cet événement n’échappera à personne. II sera difficile de taire le positionnement de la Turquie à l’égard du génocide arménien. En Turquie, des voix de plus en plus nombreuses s’expriment chaque jour avec davantage de courage et de détermination sur la nécessité de reconnaître le génocide arménien. II serait dès lors difficile, sinon incompréhensible, de faire le silence sur cet enjeu en cette année anniversaire marquée par l’ouverture d’Europalia Turquie.

Comme l’évoquait le journaliste Jean-Paul Marthoz, dans une carte blanche publiée dans Le Soir du 5 janvier, la «question arménienne reste l’otage des gouvernements, des partis politiques et des milieux d’affaires… Certains justifient leur refus de parler ouvertement de génocide en évoquant le souci de ne pas attiser le racisme anti-turc ou le choc des civilisations entre la chrétienté et l’islam. D’autres encore suggèrent que toute ingérence extérieure dans ce débat est contre-productive. Mais leurs raisons sont souvent plus prosaïques: la peur de s’aliéner un allié militaire et un partenaire économique important, et même en Belgique, la peur notamment de perdre l’électorat d’origine turque». Et le journaliste d’ajouter que ces silences se font complices d’un déni qui est la forme ultime du processus génocidaire.

On assiste aujourd’hui à une augmentation significative d’articles de presse et d’initiatives diverses soulignant les caractéristiques du processus génocidaire entamé en 1915. Les colloques et les expositions se multiplient. Au Musée de la photographie de Charleroi par exemple, une exposition permet de découvrir les photos récoltées par les missionnaires jésuites installés dans la région dès 1881.

À l’heure où les Communautés et les Régions affirment leurs compétences et leur rayonnement dans un espace de plus en plus international, il me semble du devoir de notre entité fédérée de tenir un discours clair sur cette question.

Entretenez-vous des contacts avec les organisateurs d’Europalia, six mois avant son ouverture? Avez-vous des garanties quant à la présence du patrimoine arménien?

Comptez-vous profiter de cette occasion pour soutenir l’amélioration des relations entre ces communautés?

Quels sont les événements que la Fédération Wallonie-Bruxelles compte soutenir lors de la commémoration du génocide?

 

M. Rudy Demotte. – Monsieur le député, je partage avec vous l’importance de soutenir les célébrations du centenaire du génocide arménien de 1915, le premier génocide du siècle sous la dictature du régime ottoman.

La Fédération Wallonie-Bruxelles, à travers WBI, est en contact avec la directrice d’Europalia, Madame Kristine De Mulder.

A notre question relative à la présence équilibrée des différentes communautés de Turquie, Europalia disait tenir compte de toutes les composantes du pays mis à l’honneur. Par conséquent, la dimension arménienne serait assurée à travers différents projets. Certains d’entre eux étaient déjà enregistrés et d’autres suivraient. Nous avons demandé la liste consolidées des événements.

Il s’agit également pour la Fédération Wallonie-Bruxelles de contribuer, dans les limites de ses moyens, au rapprochement entre la Turquie et l’Arménie sur cette quetion éminemment sensible.

C’est ce que j’ai rappelé à Monsieur l’Ambassadeur de Turquie auprès du Royaume de Belgique, Hakan Olcay, lors d’une rencontre à mon cabinet ce 4 mars dernier.

Pour mémoire, nous contribuons aux célébrations du centenaire en soutenant trois événements :

- Le 16 mars, la fondation Auschwitz organise un Colloque sur la transmission mémorielle, - Le 31 mars, il s’agira du vernissage d’une expo photo du CCLJ au Ministère de la Communauté française, - Le 24 avril, dans le prolongement de cette expl, le MCF organise avec le CCLJ un Colloque à destination principalement des enseignants intéressés par la question.

Par ailleurs, WBi apporte une soutien à la mobilité pour promouvoir un documentaire à Nyons (Suisse) au festival « Vision du réel témoigant du dialogue des populations turque et arménienne au travers du chant.

 

M. André du Bus. – Je vous remercie pour vos réponses qui témoignent d’une volonté claire de donner une présence significative à la Fédération Wallonie-Bruxelles lors de l’anniversaire du génocide arménien, et de rendre visible la culture arménienne à Europalia.

Vous avez rappelé différentes initiatives qui traduisent une grande cohérence entre les intentions et les actes. J’encourage le gouvernement que vous présidez à poursuivre cette action avec détermination. Je souligne votre démarche envers l’ambassadeur de Turquie, car l’ambassade suit ces sujets de très près.

Il existe aussi un soutien important aux intellectuels turcs qui se mobilisent de plus en plus nombreux pour faire bouger les choses sans ambiguïté. Je souhaite que notre Fédération Wallonie-Bruxelles poursuive une action claire dans ce sens.

Source/Lien : André du Bus

Lire aussi :

Article de Dogan Özgüden sur Europalia-Turquie, Info-Türk N°435, Novembre 2014 cliquer ICI