LaLibre.be – 5 mai 2015. Par Martine D. Mergeay

Qu’est-ce qui peut pousser un musicien du niveau de Hrachya Avanesyan à repartir, à 29 ans, à l’assaut du Concours Reine Elisabeth alors qu’en 2009, il y avait déjà été retenu comme demi-finaliste ?

Dès 2006, le jeune violoniste raflait les premiers prix des plus grands concours, il fut l’un des jeunes solistes les plus en vue de la Chapelle Reine Elisabeth, il s’est depuis produit avec tous les orchestres belges, et nombre d’orchestres internationaux, il a gravé des CD unanimement salués par la presse, bref, il n’a plus besoin de s’infliger le Reine Elisabeth pour se lancer dans la carrière.

Mais, sans doute, sait-il qu’il aurait pu rivaliser avec ses pairs et amis - Yossif Ivanov en 2005 et Lorenzo Gatto en 2009 - et veut-il tenter un dernier baroud d’honneur ? Il s’est donc présenté comme un bleu, mardi après-midi à Flagey pour le premier tour du concours…

Tout sonne et chante

En satin noir, gansé de rouge (on ne le refera pas…), l’œil sombre et la mèche en bataille, il a courageusement abordé les trois compositeurs imposés, en commençant par Bach et sa deuxième sonate, dans laquelle il y fit valoir les sonorités rondes et chaudes, tour à tour fines et puissantes, qui caractérisent son jeu, et son extraordinaire sens mélodique. Mais Bach en demande plus et on s’étonne que les moyens déployés dans la fugue tiennent si peu compte des dessous de l’écriture…

Schubert - accompagné au piano par Ashot Khachatourian - trouve un meilleur sort et, en dépit de certains écarts de texte et de style, le chant y est souverain, les ornements pleins de charme, l’art de communiquer, évident. Et le Caprice n° 17 de Paganini vient couronner l’affaire : d’une justesse idéale, les appoggiatures traîtresses sont comme des traits de lumière, sur lesquels rebondissent les accords, la conduite est claire et assurée, tout sonne et chante (évidemment) et c’est magnifique. On croise les doigts.

Avant Hrachya, nous avions entendu Richard Lin, Sino-Américain de 23 ans, aux sonorités délicates et expressives, mais à la technique incertaine, comme l’attesta un accroc dans la fugue de Bach et un Paganini râpeux de bout en bout. Encouragé par Daniel Blumenthal, le candidat sembla plus heureux dans Schubert… façon Kreisler. Tout autre ambiance avec la Japonaise Suzuki Mai, 25 ans, aussi frêle que ses sonorités sont puissantes, lumineuses, somptueuses. Tempos un peu endormis, conduite curieuse, voire inculte, mais moments de grâce partagés par un public subjugué. Mai joue Schubert de mémoire, naturellement, et son Paganini (n° 27) éblouit !