RTBF MATIN PREMIERE -  7 mai 2015 

Pas de sanction pour Emir Kir après sa convocation au PS. Pas de sanction mais un communiqué qui laisse beaucoup de zone d’ombre. Qui reste silencieux sur bien des questions.

Pour écouter l’analyse lucide de Bertrand HENNE (3min 25s), cliquer ICI

Dans ce communiqué le PS rappelle d’abord qu’il reconnait le "Génocide des arméniens". Le PS qui rappelle à l’ordre à tous ses mandataires qui s’écartent de cette position sans n’en citer aucun précisément.

Pour le cas d’Emir Kir, absent de la minute de silence (sans toujours qu’on sache pourquoi), et qui a de manière répétée a refusé de qualifier les faits de génocide, le communiqué dit : Emir Kir connait la position de son parti qu’il n’a jamais remis en question.

Analyse de texte

" Connaitre " c’est le bon mot. Emir Kir connait la position de son parti, mais est-ce qu’il la partage ? Est-ce qu’il l’approuve ? On n’en sait rien.
Le communiqué dit : "Emir Kir n’a jamais remis en question la position de son parti." Là, c’est aller un peu vite. On ne peut qu’inviter le PS à relire l’arrêt du tribunal de première instance de Bruxelles qui date de 2004. Emir Kir attaquait deux journalistes qui le qualifiaient de négationniste.
Je reproduis ici le paragraphe le plus éloquent : "Le tribunal constate dès lors que la position de monsieur Kir consistant à refuser de qualifier de génocide le massacre et la déportation des Arméniens par l’Empire ottoman en 1915-1916 avant qu’une commission d’historiens indépendants se soit prononcée sur la question, tend, en ignorant délibérément les nombreux travaux sérieux déjà accomplis, à reporter indéfiniment toute décision sur une telle qualification, ce qui revient dans les faits à la nier."

Oui Emir Kir, par le passé, a déjà, par ses paroles et prises de position, remis en question la position de son parti.

Le PS tente d’en sortir par le haut

Le parti en appelle à un dialogue entre Arméniens et Turcs et évite de heurter de front l'électorat d'origine turque.
Le PS se montre compréhensif envers les difficultés de la communauté turque. Voici le passage :
"Alors que, de plus en plus, la jeunesse turque fait son travail de mémoire, il existe une certaine crainte dans notre pays de suivre ce chemin nécessaire. La crainte d’être assimilée à des bourreaux, la crainte d’être stigmatisée, la crainte que cette reconnaissance ne passe sous silence le sort de toutes les victimes civiles - y compris turques - des conflits qui ont secoué l’Empire ottoman."

Et le PS plus loin en appelle à un dialogue de mémoire et conclut.
"Dénoncer une attitude est important. Désamorcer une colère ou un conflit, amener à comprendre l’autre, l’est tout autant."
Dialoguer, amener chacun à se comprendre d’accord. Mais ici, on frôle le relativisme. Tout l’enjeu mémoriel autour du centenaire est de mettre fin à un siècle de déni, de négationnisme d’Etat. Personne ne nie qu’il y ait eu d’autres victimes de la première guerre mondiale au sein de l’empire Ottoman. Le sujet est ailleurs. Reconnaitre l’entreprise planifiée par l’empire ottoman de rayer un peuple de la carte, reconnaitre que l’Etat Turc l’a niée pendant un siècle et continue aujourd’hui de la minimiser.

Le PS paie la facture pour les autres ?

Le PS était le parti le plus exposé à ce problème avec Emir Kir, élu emblématique de la communauté turque. Mais par contre au moins le PS a-t-il osé convoquer son élu, laissons-lui ça. D'autres partis ont surtout évité tout remous, comme le cdH par exemple qui a connu des problèmes au parlement Bruxellois. Là il n’y a aucune réaction c’est pire.

Et puis c'est un peu court de pointer Emir Kir et le PS du doigt alors que le gouvernement belge ne reconnait pas officiellement le génocide, on sera sans doute le dernier gouvernement européen à le faire. Didier Reynders n'a pas représenté la Belgique, en Arménie pour les commémorations. Le scandale est aussi dans ce silence et cette absence-là.