http://egyptophile.blogspot.fr - avril 2015

D'origine arménienne, Arpag Mekhitarian naît le 24 janvier 1911 en Égypte, à Tanta dans le Delta. Il y fait sa scolarité, parlant couramment l'arménien et l'arabe.

En 1925, au décès de son père sa famille émigre vers la Belgique, un "petit" pays jusqu'alors inconnu pour lui. Il poursuit des études littéraires à Ixelles, puis "alors qu'il n'était encore qu'un jeune lycéen, il fut invité par Maurice Stracmans à donner une conférence sur la fabrication du papyrus à la Société Belge d'Études Orientales".

 

Jean Capart, directeur de la Fondation Égyptologique Reine Elisabeth depuis 1923, conservateur en chef des Musées Royaux d'Art et d'Histoire, est impressionné et, dès lors, il s'emploie à stimuler son potentiel. Il l'engage à enrichir ses connaissances, à se documenter, à se former, à poursuivre des études supérieures tout en le faisant travailler au musée. Enfin, en 1930, il lui fait découvrir les sites de l'Égypte pharaonique, du Caire à la seconde cataracte. Il fait aussi en sorte que lors du voyage du couple royal belge en Égypte, il soit présenté à la reine Elisabeth "comme le pupille de sa Fondation". Il servira également de guide à Paul Hymans, le ministre belge des Affaires étrangères, président de la Société des Nations lors de sa croisière sur le Nil.

La même année, Capart le charge d'organiser un grand évènement, la première "Semaine Égyptologique" qui doit accueillir, au musée du Cinquantenaire de Bruxelles, le gotha mondial de l'égyptologie ! En 1932, après avoir obtenu, à Bruxelles, sa licence en Histoire de l'Art et Archéologie, il est nommé assistant à la Fondation Égyptologique Reine Elisabeth. Il est notamment chargé "de la mise sur pied d'une Encyclopédie de l'Égypte ancienne censée réunir tous les articles sur l'Égypte parus dans les encyclopédies en langues française, anglaise, allemande et italienne".

En 1937, il fait partie de la première campagne de fouilles archéologiques belges à El Kab, en Haute-Égypte. Il se voit vite confier la direction du chantier, Capart s'étant réservé la direction scientifique de la mission qui comprenait aussi Marcelle Werbrouck, Eléonore Bille-De Mot, Violette Verhoogen et Jean Stiénon. Entre janvier et mars 1937, ils procédèrent ensemble au déblaiement des temples de la déesse-vautour Nekhbet et du dieu cynocéphale Thot. Les fouilles se révèlent fructueuses, tant en objets trouvés qu'en enseignements.

Arpag Mekhitarian est alors nommé secrétaire de la fondation. En 1938, il entreprend une licence en Philosophie et Lettres à l'Université Libre de Bruxelles mais très vite, la guerre l'oblige à se réfugier en Égypte. Il consacre alors l'essentiel de son temps "à étudier la philologie et à visiter monuments et sites. Sur la pyramide de Giza, il fit même une découverte dont il tira une certaine fierté : un bloc portant, à l'encre rouge, le nom du pharaon Khéops." En 1942, Étienne Drioton lui propose la charge de bibliothécaire de l'IFAO (Institut Français d'Archéologie Orientale) du Caire.

1945 voit la fin du 2e conflit mondial et le retour de l'équipe belge au pays des pharaons. "Retrouvant Jean Capart après cinq années de séparation, il tomba dans ses bras et s'entendit dire : Mekhitarian, j'ai dix enfants en vie. Vous êtes le onzième !" Les fouilles reprennent à El Kab ainsi qu'à la pyramide de Kôla, sur la rive gauche du fleuve. À son retour en Belgique, il passe sa licence en Histoire et Littérature orientales. Mais, en 1946, Jean Capart, son maître, celui qui lui a tant appris, disparaît. Il ne cessera de porter son souvenir et sa mémoire... Marcelle Werbrouck prend la direction de la Fondation alors qu'il en est nommé secrétaire général puis administrateur.

Parallèlement, à Louxor, il travaille dans les tombes thébaines, se bat pour leur sauvegarde et collationne les manuscrits des Garis Davies. Il est fortement impliqué aussi dans la mission qu'il mène, au nom de la Belgique, pour le sauvetage des temples de Nubie. Arpag Mekhitarian est très actif. Il collabore à la 2e édition du Porter & Moss, à l'édition du guide "Nagel" Égypte, publie lui-même de nombreux volumes, articles et études. Par ailleurs, il enseigne l'arabe et arménien, donne des conférences, organise des voyages…

En toute discrétion, mais pleinement, il a, pendant des années, occupé la scène égyptologique. En 1963, il devient conservateur du département de l'Islam aux Musées Royaux, puis fouille en Syrie, crée le musée du couvent Saint-Sauveur de Nouvelle-Djoulfa à Ispahan, en Iran.

Sa vie est si riche qu'il nous faut faire des impasses. Cependant, la retracer sans parler de la blessure profonde qui jamais en lui ne se referma serait irrespectueux : le génocide arménien de 1915 avait frappé au cœur sa famille. Il sera toute sa vie aux côtés de ce peuple martyr, et demeurera très impliqué dans la communauté arménienne de Belgique. Arpag Mekhitarian s'est éteint le 27 avril 2004.

Jean-Michel Bruffaerts a merveilleusement écrit sur ce grand homme qu'il admirait, et il ne peut y avoir à cet article une autre conclusion que ses mots, issus de sa longue et belle interview: "Devenu le doyen de l'égyptologie belge et, semble-t-il, le vice-doyen de l'égyptologie mondiale, il souriait parfois en songeant que lui, le pupille de la Fondation Égyptologique Reine Elisabeth, incarnait désormais la "mémoire vivante" d’une époque révolue. Fort de son statut de "pionnier", il n'eut de cesse d'encourager les jeunes à perpétuer l'oeuvre et les idéaux de son Maître, Jean Capart, l'homme qui avait écrit dix jours avant sa mort : Mekhitarian est l'enfant de la maison et le confident de toutes mes pensées égyptologiques."

Marie Grillot

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