ANKARA - La nomination d'Herman Van Rompuy comme premier président de l'Union européenne fait craindre à la Turquie que ses chances d'adhésion à l'UE en soient réduites, certains médias n'hésitant pas à dire qu'il est anti-turc.
Des journaux n'ont pas tardé à exhumer des propos anciens attribués à Herman Van Rompuy affirmant que les valeurs chrétiennes de l'UE seraient affaiblies en cas d'adhésion de la Turquie, pays musulman.
Les hommes politiques et les universitaires turcs ont réagi avec davantage de prudence - mais sans enthousiasme - à la nomination, jeudi, du Premier ministre belge à la tête de l'UE.
"Le premier président de l'UE est anti-turc", titre vendredi un journal en "une".
Les responsables turcs, qui auraient préféré une personnalité plus favorable à la Turquie, tel que l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, se sont montrés très réservés.
"Il est difficile d'interpréter ce choix d'une manière optimiste, mais je ne pense pas que cela aura à court terme un impact direct", a déclaré Suat Kiniklioglu, vice-président chargé du parti AK au pouvoir, chargé des relations extérieures. "J'espère qu'il reverra à court terme sa position, mais je ne peux être optimiste".
La perception qu'ont les Turcs de Van Rompuy, un chrétien-démocrate, s'est forgée à partir des propos qui lui ont été attribués alors qu'il était chef de l'opposition belge, il y a cinq ans.
"La Turquie ne fait pas partie de l'Europe et ne fera jamais partie de l'Europe", aurait-il dit en décembre 2004, cité par le journal indépendant en ligne EUobserver.com.
"Les valeurs universelles de l'Europe, et qui sont aussi des valeurs fondamentales du christianisme, perdront de leur vigueur avec l'entrée d'un grand pays islamique tel que la Turquie", a déclaré Herman Van Rompuy lors d'une réunion du Conseil de l'Europe consacrée à l'éventuelle adhésion de la Turquie.
BAISSE D'ENTHOUSIASME
Interrogé sur les opinions qu'il avait dans le passé exprimées concernant la Turquie, Herman Van Rompuy a déclaré jeudi lors d'une conférence de presse que son avis personnel importait peu et que son nouveau rôle consisterait à rechercher un maximum de consensus entre Etats membres.
"Van Rompuy est un candidat de compromis, mais il est à l'évidence soutenu par la France et l'Allemagne, de sorte que ce n'est pas une bonne nouvelle pour la Turquie", estime Huseyin Bagci, professeur de relations internationales à l'Université technique du Moyen-Orient, à Ankara.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont suggéré de proposer à la Turquie un "partenariat privilégié" plutôt qu'une adhésion à part entière.
Les pays de l'UE ont accepté à l'unanimité, en 2005, d'ouvrir des discussions avec la Turquie en vue de son adhésion, mais le bloc semble profondément divisé sur la question.
La Turquie est appréciée comme membre de l'Otan, mais ceux qui sont réticents à son adhésion à l'UE disent que ce pays musulman de 72 millions d'habitants est trop pauvre et culturellement trop différent pour devenir membre de l'Union.
La Britannique Catherine Ashton, choisie jeudi par les dirigeants de l'UE comme haut représentant pour la politique étrangère de l'Union, rassure en revanche davantage en Turquie.
Cette commissaire européenne de centre-gauche est considérée comme une personne favorable à la candidature turque et qui pourrait contribuer à contrebalancer l'influence du président.
Les sondages d'opinion indiquent que les Turcs deviennent moins enthousiastes envers l'Europe. Le parti AK, qui a obtenu l'ouverture de discussions sur l'adhésion à l'UE, a affirmé à plusieurs reprises son intention de persévérer.
Mais certains diplomates à Bruxelles disent que le Premier ministre Tayyip Erdogan n'est plus aussi déterminé et de récentes initiatives en politique étrangère semblent confirmer que la Turquie se tourne maintenant davantage vers ses voisins musulmans.
Par Reuters, publié le 20/11/2009