En cause : le Haut-Karabakh et le génocide arménien.

La coalition parlementaire au pouvoir en Arménie a annoncé jeudi sa décision de geler sine die la ratification des protocoles turco-arméniens signés en octobre dernier à Zurich et censés conduire au rétablissement des relations diplomatiques entre Ankara et Erevan ainsi qu’à la réouverture de la frontière entre les deux pays.

La partie arménienne explique cette démarche par le fait que la Turquie "refusait de ratifier ces protocoles sans poser des conditions préalables". Les responsables turcs ne cessaient d’affirmer ces derniers temps que toute normalisation des relations turco-arméniennes était impensable sans le règlement antérieur du problème du Haut-Karabakh.

Il semblerait toutefois que cette attitude était un moyen de pression sur l’Arménie destiné à lui faire renoncer à la campagne internationale qu’elle mène pour forcer la Turquie à reconnaître la responsabilité de l’Empire ottoman dans le génocide arménien de 1915. D’autant que, ces derniers temps, les pays européens et les Etats-Unis se montrent beaucoup plus sensibles à ce cette tragédie, ce qui contraint la Turquie, dans certains cas, à recourir à des démarches diplomatiques pour manifester son mécontentement.

On retiendra que la décision arménienne a été signifiée deux jours après la rencontre du président russe Dimitri Medvedev avec son homologue arménien Serge Sargisan et deux jours avant la célébration en Arménie du 95e anniversaire des massacres de 1915. Ce contexte semble indiquer que Erevan s’est assuré le soutien plus ou moins tacite de la Russie pour confirmer sa fermeté, sinon son intransigeance, dans le dialogue avec la Turquie.

Il n’en est pas moins évident que l’Arménie s’adresse à la communauté internationale et avant tout aux Etats-Unis et à l’Union européenne pour les inciter à prendre une position moins évasive dans le règlement des litiges dans le triangle Turquie-Arménie-Azerbaïdjan et notamment au Haut-Karabakh. Il semblerait que dans la situation actuelle, l’Arménie ait moins à perdre que ses antagonistes. Les menaces de Bakou de reprendre le Haut-Karabakh manu militari ressemblent à des rodomontades : une éventuelle guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie n’aurait rien d’un blitzkrieg, sans parler du fait que les puissances intéressées feront tout pour prévenir un conflit armé dans une région stratégiquement importante.

L’absence d’un débouché vers la Turquie et, partant, vers l’Europe ne nuirait pas de manière sensible à l’économie arménienne, qui s’est adaptée à son long isolement. Cela veut dire que l’Arménie ne perd rien à attendre patiemment le résultat du coup de semonce qu’elle vient de tirer à l’intention "de sa sœur ennemie".

Boris Toumanov

Mis en ligne le 23/04/2010

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