Mevlut Cavusoglu, le président turc de l’APCE (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe), a offensé ses hôtes en refusant de déposer une gerbe au Monument du Génocide Arménien lors de sa visite à Erevan la semaine dernière.


Lorsque les médias arméniens l’ont interrogé sur son refus, Cavusoglu a menti en disant que ses prédécesseurs ne l’avaient pas fait non plus. Des journalistes arméniens l’ont corrigé en lui faisant remarquer que ses prédécesseurs avaient bien visité le Mémorial du Génocide Arménien. Sa supercherie dévoilée, il a changé de refrain et a avoué que c’était sa décision personnelle de ne pas visiter le Mémorial et il a demandé aux Arméniens de respecter ses souhaits.

Pourquoi les Arméniens devraient-ils respecter un négationniste du génocide et un menteur ? Bien qu’il soit l’un des fondateurs du Parti pour la Justice et le Développement, actuellement au pouvoir, et membre du Parlement turc, Cavusoglu n’était pas en visite officielle turque en Arménie, mais en tant que Président de l’APCE. Il est regrettable que plus tôt cette année, les délégués arméniens de l’APCE n’aient pas réussi à bloquer son élection à la Présidence de cette institution européenne influente.

La vraie question n’est pas l’origine ethnique de Cavusoglu. Personne ne devrait être disqualifié d’un poste en raison de son ethnicité. Les objections sont fondées sur son opposition de longue date aux questions arméniennes, y compris la négation du génocide arménien et son soutien à l’Azerbaïdjan dans le conflit de l’Artsakh.

Apprenant que Cavusoglu ne se rendrait pas au Mémorial du Génocide - un protocole standard pour tous les hauts dignitaires en visite à Erevan – le gouvernement arménien a décidé de rétrograder son statut de visite "officielle" en visite de "travail". Inutile de dire, ce n’était qu’une petite tape sur les doigts étant donné la gravité de l’offense. Malheureusement, les responsables arméniens n’ont pas émis un seul mot de critique ou de condamnation sur cet acte. Ils auraient dû prendre une mesure bien plus sévère à l’encontre de Cavusoglu et annuler son voyage à Erevan. En ne faisant pas appliquer le protocole du pays, les officiels arméniens ne font qu’encourager de prochains dignitaires à ne pas respecter la mémoire des victimes du génocide arménien.

Un précédent négatif similaire a déjà eu lieu en septembre 2008, lorsque le Président Gül a été invité à Erevan. J’avais alors, dans l’un de mes articles, exhorté les autorités arméniennes à demander au Président turc de déposer une gerbe au Mémorial du Génocide. Hélas, rien de tel n’a été exigé du Président Gül qui n’a été que trop heureux d’esquiver cette question !

J’applaudis la Fédération Révolutionnaire Arménienne qui a refusé de rencontrer Cavusoglu lors de sa visite à Erevan, en raison de son manque total de respect pour les victimes du génocide arménien. Sa visite a également été condamnée par l’Union locale des Étudiants du Parti Hentchag.

Malheureusement, des responsables d’un parti d’opposition ont rencontré Cavusoglu à Erevan pour tenir leur propre programme, et lui ont demandé – à lui, un Turc -- de condamner le gouvernement arménien sur le sujet des Droits de l’Homme. Entre-temps, des partis progouvernementaux ont rencontré Cavusoglu pour qu’il se familiarise avec la position de l’Arménie sur des questions régionales importantes, comme s’il était désireux de changer d’opinion sur le génocide arménien, l’Artsakh et les relations arméno-turques.

Indépendamment de sa propre position négationniste et celle de son gouvernement négationniste également quant au génocide arménien, Cavusoglu n’a pas à être excusé pour ne pas s’être rendu au Mémorial du Génocide. Des ambassadeurs de pays qui n’ont pas formellement reconnu le génocide arménien, prennent part à la procession solennelle du 24 avril et déposent une gerbe au Monument du Génocide.

En refusant de suivre le protocole, Cavusoglu a non seulement insulté la nation arménienne, mais il a également violé la reconnaissance, de longue date, du génocide arménien par le Parlement européen.

Pour finir, par ses paroles et ses actes, le diplomate turc a réussi à se mettre lui-même dans l’embarras et à saper sa propre crédibilité, se montrant comme un personnage politique indigne de représenter une institution européenne de renom et ses valeurs.

Afin d’éviter des scandales semblables à l’avenir, les responsables arméniens doivent se mettre en relation avec les dignitaires étrangers avant les visites prévues et insister sur l’importance du respect du protocole arménien établi, consistant à déposer une gerbe au Monument du Génocide. S’ils devaient refuser, leur visite devrait être immédiatement annulée. Qui pourrait s’imaginer un dignitaire étranger se rendant à Jérusalem et refusant de déposer des fleurs au Mémorial de Yad Vashem dédié aux victimes du génocide juif ? Il ou elle ne serait alors plus autorisé(e) à poser un pied en Israël. Le gouvernement arménien devrait adopter une position similaire vis-à-vis du Mémorial du Génocide Arménien !

À la fin de sa visite en Arménie, Cavusoglu a annoncé qu’il reviendrait en Arménie en octobre. J’espère que les dirigeants arméniens ne le laisseront pas entrer dans le pays, à moins qu’il ne soit prêt à respecter les protocoles ayant cours en Arménie, valables pour tous les dignitaires étrangers.

Si les responsables arméniens n’insistent pas pour que leurs propres lois et règlements soient appliqués, les dignitaires étrangers n’ont aucune raison de s’y conformer !

 

De Harut Sassounian
Édité par The California Courier
Éditorial de Sassounian du 20 mai 2010


©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 20 mai 2010 – 10:10 - www.collectifvan.org