Depuis plus de 20 ans, nos hommes politiques entendent des voix venues d’en haut (le monde des affaires et l’Union européenne) leur commander de proclamer « multiculturelle » notre société belge et d’agir, c’est-à-dire de légiférer et de dépenser l’argent public, comme si elle l’était. Et ils nous le répètent inlassablement en toute occasion, comme le prescrit la méthode Coué. Grâce aux relais de la presse et des innombrables associations subventionnées, le credo s’est imposé et fait partie de la pensée unique.

Ainsi a-t-on laissé entendre que, nonobstant notre Constitution, qui reconnaît trois communautés culturelles, c’est-à-dire trois cultures, germanique, néerlandaise et française, toutes les cultures présentes en Belgique, fut-ce par le fait d’un seul individu, sont désormais sur le même pied. En foi de quoi, naturellement, le proverbe « à Rome, fais comme les Romains » était démonétisé et la machine à intégrer grippée. Alors, on a édicté des lois interdisant aux Romains de préférer ceux qui font comme eux. Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer certaines dérives de ce système oppressif, dont la communauté arménienne fait les frais. (« A quoi sert le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme » Hay, n° 291, février 2009).

Il se pourrait toutefois que notre société cesse bientôt de se mentir à elle-même car, comme dans le beau conte d’Andersen « Le roi est nu », des voix ingénues viennent de se faire entendre pour faire reconnaître la vérité.  On rapporte, en effet, que la chancelière allemande, Angela Merkel a fait du bruit en affirmant, le 16 octobre dernier, que « le modèle d’une Allemagne multiculturelle, où cohabiteraient harmonieusement différentes cultures, avait «totalement échoué » (Le Monde, 17 octobre 2010). Pas de chance pour son président, Christian Wulff, qui commençait une visite officielle en Turquie, trois jours plus tard. Ses hôtes s’étant senti visés par les propos du chef du gouvernement, on imagine l’embarras du président allemand. Selon la correspondante en Turquie du journal Le Soir (Le Soir, 20 octobre 2010), sans démentir sa chancelière, il a su trouver les mots qui apaisent en saluant « le rôle des Turcs tout comme l’existence de l’islam comme l’une des composantes de la société allemande. »  Elle rappelle cependant à juste titre que le premier ministre turc « a lui-même participé à la polémique en appelant Berlin à ouvrir des établissements en langue turque et en dénonçant l’assimilation comme « un crime contre l’humanité ».

L’arrogance du gouvernement islamiste turc aurait donc provoqué un réveil de la conscience politique allemande, qui pourrait délier les langues chez nous et ailleurs en Europe. La candidature de la Turquie à l’Union européenne pourrait en être reconsidérée. Il se pourrait aussi qu’encouragé par son grand voisin notre pays trouve enfin le courage de mettre fin à la tolérance culturelle du négationnisme.

Il est bien entendu encore trop tôt pour le prédire, mais au moins les signes avant-coureurs sont-ils pour une fois favorables.

 

Michel Mahmourian.

 

Source : Hay, n° 308, novembre 2010