"Choc", "scandale", "honte" : le public venu assisté mercredi 15 juin à l’exposition "l’art des Khatchkars" ne savait plus comment exprimer sa réprobation face à la censure incroyable exercée par le secrétariat de l’UNESCO sur cette manifestation culturelle organisée dans son siège de la place Fontenoy à Paris.

Contre toute attente, cette présentation de l’histoire des "croix de pierre arméniennes" s’est heurtée à une invraisemblable entreprise de caviardage exécutée par la direction de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation la science et la culture. Les responsables à Paris de cet organisme se sont en effet permis d’enlever, sans autres formes de procès, toutes les légendes accompagnant les dizaines de photos grands formats représentant les fameux monuments. Les spectateurs en seront par conséquent réduits à regarder une exposition muette, dénuée de la moindre explication relative en particulier aux lieux où se trouvent ces Khatchkars. Motif : certains d’entre eux ne sont pas situés dans le territoire de l’Arménie, mais dans des pays limitrophes, par exemple la Turquie ou l’Azerbaïdjan. Et il serait donc diplomatiquement incorrect de le mentionner.

Ainsi, non seulement les Arméniens se voient dépossédés d’une grande partie de leur patrimoine architectural, mais ils n’auraient pas non plus le droit d’écrire dans l’enceinte d’une organisation chargée de le protéger, l’endroit ils se trouvent. Même si par ailleurs ils s’interdisent de faire référence aux circonstances (différentes entreprises d’extermination, dont le génocide de 1915), qui ont débouché sur cet état de fait.

En décidant de priver le public de cette exposition des informations géographiques minimums quant aux lieux où sont dispersés ces monuments, les responsables parisiens de l’UNESCO ont en réalité soulevé une "croix de pierre" qui risque fort de leur retomber sur les pieds. Car ils ne font rien d’autre que politiser, et d’une manière aussi détestable que maladroite, une manifestation à vocation purement culturelle.

Charles Aznavour qui parrainait la manifestation n’a pas assisté à son inauguration. Viguen Tchitechian, l’ambassadeur d’Arménie qui avait lancé les invitations, a fait part quant à lui dans son discours de cet incident, exprimant ses "réserves" envers le secrétariat de l’UNESCO. Idem pour la vice-ministre arménienne de la culture, qui avait fait le déplacement pour être présente à l’événement, et qui n’a pas caché son émotion face à ce scandale. Une position reprise par Patrick Donabédian, l’un des concepteurs du programme, dont le texte de présentation situé sur un panneau de l’exposition a été lui aussi censuré au prétexte qu’il faisait référence aux Khatchkars de Djougha (Nakhitchevan), un site contenant des centaines de ces pièces d’une valeur inestimable, que le gouvernement azerbaïdjanais à fait détruire en 2006 par son armée pour y installer en lieu et place un camp d’entraînement militaire. Cette entreprise d’assassinat culturel n’avait d’ailleurs entraîné aucune dénonciation à l’époque de l’UNESCO, qui avait préféré fermer les yeux. Déjà.

Last but not least, les censeurs ont également purement et simplement confisqué une carte de la région, faisant là aussi mention des emplacements géographiques des Khatchkars. Et enfin, ils ont enlevé le drapeau des Nations Unies qui se trouvait à côté de celui de l’Arménie, sur la petite scène accueillant les orateurs. Sans doute s’agissait-il d’enfoncer le clou et de bien faire comprendre que ces trésors arméniens, bien que désignés comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par cette même UNESCO le 17 novembre 2010, ne sauraient trouver une quelconque compatibilité avec l’interprétation que ces responsables parisiens se font de "l’ordre nouveau" des nations.

Ara Toranian

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