(Extraits)

Ce mardi (20/09/2011), le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB) a organisé son premier dîner de gala à l’hôtel Conrad à Bruxelles en présence d’environ 300 invités « VIP » issus de la communauté juive de Belgique et des responsables politiques, religieux et médiatiques du pays. (...)

En effet, dans son discours d’ouverture, le Président du CCOJB Maurice Sosnowski est revenu sur la manifestation nationale à Bruxelles contre l’intervention israélienne à Gaza du 11 janvier 2009, un événement « qui a été vécu comme un véritable traumatisme, une cassure, un tournant » pour les membres de la communauté juive. « Alors que certains appelaient aux meurtres des juifs, à minimiser la Shoah et à présenter les juifs comme les véritables maîtres du monde, ce qui nous a choqué n’a pas été la présence d’une partie des représentants démocratiques belges dans ce cortège mais l’absence de la moindre réaction politique à ces manifestations antisémites d’un autre âge. L’antisionisme radical tient bien de l’antisémitisme de par ces appels à la haine du juif ». Rappelant que « la défense de l’affaire palestinienne est légitime et qu’une majorité des juifs de Belgique soutient l’idée d’une Palestine libre, indépendante et souveraine », Maurice Sosnowski estime que « le vote [pour la reconnaissance d'un Etat palestinien membre à part entière l'ONU] qui va avoir lieu à l’ONU ne doit pas faire oublier que le dogme du Hamas est inspiré du protocole des Sages de Sion ».

Condamnant aussi les actions de boycott menées à Bruxelles contre la banque Dexia « par les mêmes individus qui soutiennent des terroristes », le Président du CCOJB est revenu plusieurs fois sur son malaise par rapport au climat qui règne actuellement au sein de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) en citant quelques exemples :

           présentation d’une apologie de Dieudonné, deux fois condamné en France pour incitation à la haine raciale, par le Cercle du Libre Examen

           le journal de Solvay qui, se voulant sarcastique sur les religions, autorise la publication d’une phrase suggérant aux futurs étudiants juifs de Solvay de passer par les fours polonais et d’organiser un baptême étudiant à la gloire du nazisme avant de s’inscrire.

Pour le docteur Sosnowski, « l’antisémitisme, c’est comme un virus en train de muter et hélas de réussir sa mutation. On l’a connu catholique, on l’a connu fidèle aux mots d’ordre des Lumières le reprochant de l’avoir invité, on l’a connu anticapitaliste qui leur faisait grief d’être les alliés des riches et des puissances, on l’a connu raciste qui leur faisait grief de corrompre par leur être même les races pures de l’Europe.  Aujourd’hui, le nouveau virus à deux caractéristiques : l’antisionisme et le négationnisme ».

Dans son exposé assez revendicatif, le Président du CCOJB a aussi introduit 3 requêtes spécifiques directement adressés au Premier ministre démissionnaire qui avait reçu à l’avance le texte du discours pour mieux préparer ses réponses. En comparant les requêtes avec les réponses du Premier ministre Yves Leterme, on constate que c’est un échec total en termes de résultats pour les organisateurs :

1.         CCOJB : Convaincu que la conférence de Durban 3 (conférence internationale des Nations Unies contre le racisme) qui débute ce mercredi (21/09/2011) à New York sera un nouveau podium pour les discours « anti-israéliennes et surtout antisémites », Maurice Sosnowski a demandé au Premier ministre que la Belgique renonce à sa participation.

Réponse d’Yves Leterme : « La Belgique n’appliquera pas la politique de la chaise vide. Steven Vanackere, ministre des Affaires étrangères y parlera au nom de notre pays et sa voix, la voix de la Belgique, écrasera celle des semeurs de haine »

2.         CCOJB : A propos de la cellule de veille sur l’antisémitisme, Maurice Sosnowski pointe du doigt l’inutilité des réunions car les représentants des différents ministères sont souvent absents et les plaintes sur des incidents antisémites restent sans suite. Pour assurer son indépendance et améliorer son fonctionnement, il demande que cette cellule puisse dépendre directement du Premier ministre.

Aucune réponse d’Yves Leterme.

3.         CCOJB : Suite au retour périodique du mot amnistie, « un mot infâme, indigne à la mémoire aussi bien des juifs que des non juifs, des résistants et de tous les justes que ce pays a compté », et sur base des conclusions accablantes du rapport du CEGES sur la docilité des institutions belges pendant la Shoah, le Président demande à la Belgique « de tirer enfin toutes les leçons de la Shoah«  sans s’infliger un exercice de repentance. Or, jusqu’à ce jour, on parle plus d’amnistie [des collaborateurs avec le régime nazi] que de repentance. « Rien ne nous paraît plus dangereux que l’amnistie amnésie ». Il faudrait que les sénateurs débattent des conclusions du CEGES et que les élus de la Nation reconnaissent les responsabilités et soutiennent les propositions visant à supprimer les injustices qui frappent certaines victimes civiles en assouplissant les conditions liées à l’acquisition de la nationalité belge.

Aucune réponse d’Yves Leterme

(…)

Mais le Premier ministre Yves Leterme commettra également une gaffe politique dans son discours officiel écrit en déclarant « je comprends ce qui inquiète la communauté juive, une communauté amie de notre pays » faisant ainsi croire que la communauté juive ne fait pas vraiment partie de la Belgique mais qu’elle est seulement une autre « communauté amie » . L’expression sera assez mal accueillie par certaines personnalités juives présentes dans la salle mais ne provoquera pas de réaction publique. Interpellée à ce sujet pendant la pause, la baronne Mia Doornaert (conseillère d’Yves Leterme) tentera de défendre son ministre en

           niant d’abord les faits : « Leterme n’a pas dit ça »

           en niant ensuite avoir entendu les faits : « moi, je ne l’ai pas entendu dire ça »

           en minimisant les faits : « il n’a pas voulu dire ça, il a aussi insisté sur nos concitoyens »

           en justifiant les faits : « le français n’est pas la langue maternelle de Leterme »

Justement à propos du sentiment d’appartenance nationale des juifs à un Etat (Israël) plutôt qu’à un autre (Belgique), Maurice Sosnowski venait d’expliquer dans son speech que « le sentiment d’attachement à Israël au sein de la communauté juive de Belgique grandit et va de pair avec la croissance du sentiment d’abandon » généré par l’inaction et l’abandon des pouvoirs publiques belges. Et ce sentiment serait notamment partagé par les Belges d’origine arménienne qui ont le sentiment d’être sacrifiés par les partis politiques pour des enjeux purement électoralistes. « Au nom du mieux vivre ensemble, faudra-t-il arriver à ne plus jamais évoquer le génocide des Arméniens ? Au nom du mieux vivre ensemble, faudra-t-il condamner l’homosexualité, remettre en question le darwinisme ou l’égalité entre les hommes et les femmes ? La mission des politiques et des médias est d’éduquer le citoyen contre les idées reçues et non soutenir des propos démagogiques. Le contraire du mot courage n’est pas lâcheté mais conformité car même un poisson mort peut suivre le courant d’eau. (…) Si aujourd’hui, nous sommes aux aguets, c’est parce que nous sommes plus inquiets qu’heureux. Oui, il fait toujours bon vivre comme juif en Belgique mais pour combien de temps si on continue la politique de l’autruche ? », s’interroge-t-il.

(…)

Parmi les invités, on a pu noter la présence de notamment (liste incomplète) :

           André Flahaut (PS), Freddy Thielemans (PS), François Dupuis (PS), Yvan Mayeur (PS), Yves Goldstein (PS)

           Yves Leterme (CD&V), Pieter De Crem (CD&V), Ludwig Caluwé (CD&V), Walter Vandenbossche (CD&V)

           Didier Reynders (MR), Viviane Teitelbaum (MR), Françoise Schepmans (MR), Yves de Jonghe d’Ardoye (MR), Frédérique Ries (MR), Jacques Brotchi (MR)

           Sarah Turine (Ecolo), Evelyne Huytebroeck (Ecolo), Yaron Pesztat (Ecolo), Isabelle Durant (Ecolo)

           Francis Delperée (CDH), Georges Dallemagne (CDH)

           Marie-Cécile Royen (Le Vif), Didier Hammann (Le Soir), Stéphane Rosenblatt (RTL Belgium) Semsettin Ugurlu (Président de l’EMB), Michel Mahmourian (Président du Comité des Arméniens de Belgique), Pierre Mertens (écrivain), Mia Doornaert (cabinet d’Yves Leterme), Françoise Audag-Deschamps (Directrice de la Chancellerie), Edouard Jakhian (Ancien bâtonnier), Albert Guigui (Grand Rabbin), Edouard Delruelle (directeur-adjoint du CECLR), Mosche Kantor (European Jewish Congress)

Mehmet KOKSAL

http://parlemento.com/2011/09/21/