Le communiqué de Reporters sans frontières
« A aucun prix, le procès des assassins de Hrant Dink ne doit se refermer dans les conditions actuelles, a déclaré Reporters sans frontières au terme de la 21e audience qui s’est tenue à Istanbul le 14 novembre 2011. Des éléments clés manquent encore au dossier, et trop de questions restent sans réponse. »
Depuis que le procureur Hikmet Usta a rendu son réquisitoire le 19 septembre dernier, le procès avance à marche forcée. Alors que les audiences ont longtemps été séparées d’au moins 3 mois, la prochaine se tiendra dès le 5 décembre 2011. Pourtant, de séance en séance, les mêmes questions lancinantes demeurent. Pourquoi la Haute Instance des télécommunications (TIB) persiste-t-elle, en dépit de plusieurs décisions judiciaires, dans son refus de transmettre à la justice les registres des appels téléphoniques passés aux alentours du lieu du crime, le 19 janvier 2007 ? Pourquoi la Cour refuse-t-elle de faire analyser les enregistrements de vidéosurveillance ? Pourquoi tous les témoins n’ont-ils pas été produits ?
Peu avant la 21e audience, la Haute Instance des télécommunications (TIB) avait une nouvelle fois refusé de transmettre à la 14e chambre de la cour d’Assises d’Istanbul, la liste des appels téléphoniques passés aux proches alentours du lieu du crime, le 19 janvier 2007. D’après elle, la Cour devrait préciser sa requête et indiquer à quels appels exactement elle fait référence : émis par qui, reçus par qui, à quelle heure, etc. Dans le passé, la TIB s’était déjà retranchée derrière la « vie privée » des usagers pour justifier son refus. Mais les avocats de la famille Dink ne demandent qu’à consulter la liste des appels passés, non leur contenu. Le recoupement de cette liste avec les enregistrements des caméras de surveillance des commerces voisins pourrait largement faire avancer l’enquête et contribuer à identifier des complices, voire à remonter jusqu’aux commanditaires.
Obtenir les registres de télécommunication est d’autant plus urgent que selon la loi, la TIB doit les détruire le 19 janvier 2012, au terme de cinq ans de conservation. Reporters sans frontières lui a adressé un courrier insistant pour qu’elle transmette de toute urgence ces données à la justice. Une pétition circule actuellement en Turquie (traduction en français disponible ici) pour demander aux députés d’intervenir à leur tour.
« De précieux enregistrements vidéos ont déjà été détruits par la ‘négligence’ ou la mauvaise volonté des forces de l’ordre. Comment pourrait-on tolérer que de nouveaux éléments de preuves essentiels soient anéantis à leur tour ? », s’est indignée l’organisation.
La police n’a toujours pas retrouvé les témoins Cemal Yildirim et Ergün Cagatay pour qu’ils soient à nouveau entendus à la barre, conformément à la requête des parties civiles. Mais le président du tribunal, Rüstem Eryilmaz, a malgré tout annoncé que les prochaines audiences seraient consacrées aux plaidoiries. Les avocats de l’accusation s’apprêtent à demander la révocation du jury si leur demande de complément d’enquête n’est pas satisfaite.
L’audience s’est tenue en présence de nombreuses personnalités venues soutenir la famille de Hrant Dink et manifester leur désir de justice, dont Robert Koptas, directeur de la publication de l’hebdomadaire turco-arménien Agos pour lequel travaillait le journaliste, Elise Arfi, Secrétaire de la Conférence des avocats de Paris, Alexandre Couyoumdjian, représentant du Barreau de Paris et de l’AFAJA, Yves Ochinsky, ancien bâtonnier du Barreau de Bruxelles, Raffi Hermonn, maire adjoint des Iles des Princes d’Istanbul, le professeur Ahmet Insel, le journaliste Oral Calislar, et le correspondant de Reporters sans frontières Erol Önderoglu.
16 novembre 2011