Le tribunal d'Istanbul n'a pas retenu la thèse du crime organisé, provoquant la colère des proches de la victime.

La peine maximale pour Yasin Hayal. Cet ancien membre du parti turc ultranationaliste «Büyük Birlik Partisi» a été désigné mardi, par un tribunal d'Istanbul, comme l'instigateur de l'assassinat du journaliste d'origine arménienne Hrant Dink, perpétré le 19 janvier 2007. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Cette décision intervient six mois après le jugement d'Ogun Samast, l'assassin de Hrant Dink, qui avait reconnu son crime. Le jeune Turc était alors âgé de 17 ans lorsqu'il a tué le journaliste devant le siège de l'hebdomadaire Agos que dirigeait ce dernier. Il avait écopé d'une peine de 22 ans et 10 mois de prison.

Ogun Samast avait expliqué son geste par l'engagement politique de Hrant Dink, qui s'est longtemps battu pour la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Cible de nombreuses menaces de groupes nationalistes, il était sous la protection des autorités turques. En septembre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné la Turquie pour avoir failli à son obligation de protéger le journaliste.
Manifestation pour une enquête approfondie

Au-delà de ces condamnations, la décision du tribunal d'Istanbul va à l'encontre de la thèse du crime organisé et du complot, défendue par les avocats de la famille Dink. «Il s'avère que Hrant Dink n'a pas été victime d'un crime planifié (...) mais a été tué par une poignée de gens», a ainsi ironisé l'un d'eux, Me Fehriye Cetin, parlant d'une «plaisanterie» des juges.

Depuis 2007, ils dénoncent des «falsifications de preuves» et des «faux témoignages» réalisés par les services de sécurité turcs. Pour eux, Ogun Samast et Yasin Hayal ne sont que les exécutants, manipulés par des «personnalités intouchables» protégées par l'obstruction organisée par la justice: des conversations téléphoniques de suspects n'ont pas été versées au dossier, des responsables des services de renseignements n'ont pas été entendus. Autant de zones d'ombre qui planent sur l'affaire.

Plus tôt dans la journée, un groupe de manifestants a marché dans les rues d'Istanbul, avant de rejoindre le tribunal. Parmi eux, des intellectuels, des hommes politiques, des activistes et aussi l'épouse de Hrant Dink. Objectif de la manifestation: appeler les autorités turques à punir des fonctionnaires de la sûreté qu'ils accusent d'être les «commanditaires» de cet assassinat. «Ce dossier ne doit pas être refermé», ont-ils scandé.

Boris Marchal

Le Figaro