Alors que le personnel est en grève, le Président démissionne et en appelle au renvoi du Directeur. Est-ce la fin, cette fois, pour le MRAX ? Si oui, est-ce vraiment une bonne nouvelle pour la démocratie ? Retour sur une interminable dérive.
C’est avec un peu de chagrin et une certaine lassitude que l’on suit le dernier soubresaut en date de l’agonie du MRAX : élu voici un an à peine, Placide Kalisa, président du Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie vient de présenter sa démission.
Dans la foulée, il réclame aussi le renvoi du directeur de l’organisation, le très contesté Radouane Bouhlal. Ses raisons ? Ce dernier maltraite les employés. Sa gestion financière est douteuse. Il ne défend que les Arabo-musulmans.
Huit ans que cela dure, que l’on entend ces reproches étonnants au sein d’une organisation de gauche antiraciste. Et pourtant, depuis sa fondation, en 1950, par d’anciens résistants juifs et communistes, le MRAX fut une honorable autant qu’indispensable institution.
Sa première présidente fut Yvonne Jospa, grande résistante, grande militante des Droits de l’Homme et grande dame s’il en fut. Jusqu’à sa mort en janvier 2000, elle lutta pour « faire triompher l’amitié et la paix entre les peuples, l’égalité et la fraternité entre les hommes *».
Lui succéda cette autre femme d’exception que fut notre amie Thérèse Mangot, membre du CCLJ. Comme le savent ceux qui l’ont connue, avec Thérèse, la défense de toute personne en butte au racisme, quelle que soit son identité, sa couleur ou sa religion, était assurée.
Puis, en 2004, Radouane Bouhlal, un jeune juriste d’origine marocaine, prit sa place, un peu à la hussarde, et les ennuis commencèrent. Non certes parce qu’il avait des racines arabes. Au contraire, chacun comprenait bien que cette élection avait une certaine logique.
Depuis les attentats de septembre 2001, les Arabes/ musulmans étaient les premiers dans la ligne de mire de l’extrême droite. Le souci était la manière de faire du nouveau président et une certaine dérive des principes fondateurs du MRAX.
Radouane Bouhlal était (est) un homme à la personnalité puissante, intelligent et charismatique. Mais il a aussi une tendance à la brutalité, à l’autoritarisme et aux déclarations à l’emporte-pièce.
La Belgique « structurellement raciste » ?
Depuis son élection, les problèmes n’ont jamais cessé. D’abord en interne : l’équipe des travailleurs se plaint en permanence d’être maltraitée, négligée, méprisée. D’où des grèves, des licenciements -parfois abusifs- et des départs à répétition.
Plus grave : l’entrée en masse au sein du MRAX de gens pour qui la démocratie et l’antiracisme ne sont pas des valeurs premières : des militants maoïstes ou trotskistes et surtout des extrémistes arabes, façon Frères musulmans ou partisans du Hamas.
Un sommet avait été atteint avec l’arrivée du très énervé Nordine Saïdi, défenseur des attentats-suicides palestiniens et admirateur de Dieudonné. Le MRAX a fini par l’exclure en 2009 pour ses textes « glissant vers l’antisémitisme et le négationnisme ». Ambiance…
A quoi s’ajoute ce que beaucoup des anciens du MRAX considèrent comme une dérive communautariste de la part de R. Bouhlal. Celui-ci se concentrerait essentiellement à la lutte contre « l’islamophobie » considérée, à tort selon eux, comme du racisme.
Sans oublier ses propos contre la Belgique « un pays structurellement raciste » composé « de castes avec à sa tête les Belges blancs », ses prédécesseurs à la tête du MRAX formant eux « une clique d’universitaires blancs, athées et de gauche ». Des monstres, quoi.
Autre décision à la fois stupide, mesquine et blessante : la modification fin 2010 de « l’objet social » du MRAX. De nouveaux statuts furent déposés à l’unique fin, semble-t-il, de modifier quelques mots de l’article 2.
Dorénavant, le MRAX ne contribuerait plus, « à la défense de la mémoire des victimes de persécutions racistes, commises notamment sous le nazisme ». Il défendrait « la mémoire des victimes de persécutions racistes, commises notamment lors d’un génocide ».
Difficile, avec la meilleure bonne volonté du monde, de ne pas ressentir la suppression de cette allusion au judéocide comme un rejet de la communauté juive. C’est ce que semble aussi penser le président démissionnaire, Placide Kalisa.
Lequel se plaint que l’organisation ne défende plus que la communauté arabo-musulmane : « Le groupe subsaharien est empêché de travailler ». Là encore, quelle étrangeté que cet organisme antiraciste sembler mettre en concurrence ceux qui en sont victimes.
Tout cela a fini par lasser jusqu’à la Communauté française qui a déjà amputé le MRAX d’un tiers de ses subsides. Qu’espérer, alors, dès lors qu’on considère qu’il est indispensable que notre pays possède une vigoureuse organisation antiraciste ?
Que le MRAX se débarrasse de cette erreur de casting qu’est R. Bouhlal ? Mais sera-t-il possible d’en faire autant des gens sa mouvance ? Ou alors qu’un nouveau et plus démocratique mouvement prenne la relève ?
Ce serait une triste fin pour une grande organisation comme pour le remarquable travail qu’accomplirent Yvonne Jospa, Thérèse Mangot et tous les anonymes qui luttèrent si longtemps contre « la bête immonde »…
*Statuts du MRAX
Mardi 24 janvier 2012
Ouri Wesoly