Liège - La tenue d’un congrès nationaliste turc le 20 mai dernier à Liège continue à faire couler beaucoup d’encre. La conseillère communale Christine Defraigne (MR), après avoir pris connaissance d’un discours qui y a été prononcé, demande des explications au bourgmestre Willy Demeyer.

L’affaire avait déjà fait grand bruit à la fin du printemps et a ressurgi ce lundi soir au conseil communal de Liège. Un congrès organisé par la «Belçika Türk Federasyon» s’est tenu le 20 mai dernier au Palais des congrès. Il rassemblait des représentants du MHP, parti nationaliste turc, voire même des Loups gris, militants extrémistes.

Relents nationalistes et négation du génocide arménien

Le 9 novembre, nos confrères du Vif/L’Express publiaient des extraits du discours prononcé à cette occasion par Devlet Bahçeli au cœur de Liège. Ce dernier n’est autre que le secrétaire général du MHP. «Turcs d’Europe, vous représentez la gloire et la splendeur de l’identité turque», a-t-il notamment déclaré le 20 mai. «Certes, nous savons que dans ce pays, vous êtes perçus comme des étrangers et vous avez rencontré beaucoup de difficultés en tant que porteurs d’une identité et d’une culture étrangères. Mais vous ne leur avez jamais cédé.»

Et le leader turc d’évoquer les «lobbys» de la diaspora arménienne, en tenant des propos négationnistes à l’égard du génocide arménien, ou encore de pousser les Turcs d’Europe à s’impliquer dans la vie politique, notamment pour «veiller aux intérêts de la Turquie et du pays dans lequel vous vivez.»

La manifestation avait été interdite à Namur

Au mois de mai, le congrès avait été envisagé à Namur, avant que le bourgmestre de la capitale wallonne ne le fasse interdire. Les organisateurs, dans l’urgence, avaient dès lors décidé de le déplacer à Liège.

Le bourgmestre Willy Demeyer (PS) avait à plusieurs reprises indiqué que du point de vue juridique, rien ne lui permettait d’interdire cette organisation qui se présentait commune une manifestation culturelle, de surcroît mise sur pied par des personnes connues des gestionnaires du Palais des congrès. Par ailleurs, «l’interdiction d’une telle manifestation aurait peut-être conduit à des troubles de l’ordre public», ajoute le bourgmestre.

« Des propos inacceptables », dénonce Christine Defraigne

La police s’y était rendue, avec des agents turcophones à même de prévenir l’autorité politique en cas de débordement. Le discours avait été qualifié de «soft» et, à l’heure actuelle, Willy Demeyer attend toujours de pouvoir analyser le rapport effectué au printemps, en concertation avec le chef de corps de la police de Liège, Christian Beaupère.

Ayant pris connaissance de la traduction du discours, via nos confrères du Vif/L’Express, Christine Defraigne (MR) a pour sa part interpellé Willy Demeyer ce lundi soir au conseil communal. «Il me semble que les propos qui ont été tenus furent minimisés à l’époque», constate-t-elle.

«Trouvez-vous normal que des extrémistes liés au MHP et aux Loups gris s’expriment à Liège?», interroge Christine Defraigne. «Ce sont des propos qui sont inacceptables et qui mettent à mal nos valeurs démocratiques. Les policiers présents sur place vous avaient-ils rapporté le contenu des discours? Comptez-vous diligenter une enquête interne?», demande-t-elle encore. «À l’avenir, l’interdiriez-vous?»

« On ne m’a signalé aucun débordement », se défend Willy Demeyer

Et Willy Demeyer de rappeler qu’à l’époque, rien ne lui indiquait que de tels propos allaient être tenus. «Les policiers turcophones sur place ne m’ont pas alerté d’un quelconque débordement. À partir du moment où il s’agissait d’une manifestation à huis clos et couverte, j’estimais qu’il n’y avait pas de danger». Moins, peut-être, que si elle avait été frappée d’une interdiction.

«Par ailleurs, il semble que la décision d’interdiction de mon homologue namurois ait été frappée de nullité par les tribunaux Mais je répète que la manifestation s’est déroulée sous notre surveillance. Aucun propos susceptible de nécessiter une fermeture immédiate ne m’a été rapporté…», ajoute le bourgmestre de Liège.

Le rapport de la police, répète Willy Demeyer, sera analysé prochainement. Christine Defraigne, elle, s’interroge sur le fait qu’à aucun moment la manifestation n’ait été interrompue «alors le contenu du texte, c’est la négation de nos valeurs de libertés individuelles».

13 novembre 2012

Benjamin HERMANN

L'Avenir