Si le mot n’était pas galvaudé, on pourrait dire que la commission des Affaires institutionnelles du Sénat, présidée par Sabine de Béthune a écrit une page d’Histoire, jeudi matin. A l’unanimité, les commissaires - en ce inclus le représentant du Vlaams Belang - ont adopté la proposition de résolution qui reconnaît la responsabilité de certaines autorités belges dans la persécution des Juifs en Belgique comme le concluait le rapport du Ceges sur la "Belgique docile" initié dès 2002 mais prêt depuis 2007. Un rapport en deux volumes qui n’avait jamais pu être discuté notamment à cause de la longue crise politique après les élections de 2007 et de 2010 mais aussi parce que la bonne volonté fit souvent défaut
Le texte doit encore passer en plénière mais il ne fait pas de doute qu’il y sera aussi adopté par tous les groupes. Dont Ecolo qui n’avait pas de droit de vote en commission mais dont Jacky Morael fut un représentant plus qu’actif.
Jeudi, c’était l’heure des votes, du texte dont les amendements étaient loin d’être cosmétiques. Comme l’avait souhaité Francis Delpérée (CDH), ce sont bien certaines et pas toutes les autorités belges qui ont donné un coup de pouce aux nazis. C’est loin d’être un détail car à bien des niveaux officiels, il y eut aussi des sauveurs de Juifs.
En même temps, question de parer à toute réplique négationniste, la résolution fait aussi le point sur le nombre de victimes juives et tsiganes "dans l’état actuel des connaissances" , ce qui rejoignait ici le point de vue de Philippe Mahoux (PS) mais aussi celui de Jacques Brotchi (MR) qui nous a fait savoir qu’il reconnaissait évidemment, les dernières données disponibles.
Autre acquis intéressant de la résolution : alors que les députés surtout flamands du CD&V et de l’Open VLD avaient freiné toute initiative dans ce sens à la Chambre, les sénateurs ont convenu qu’il s’imposait d’assouplir les conditions pour des victimes civiles juives qui ne pouvaient bénéficier de certains dédommagements parce qu’ils n’avaient pas la nationalité belge au moment idoine. Cela ne signifie pas que ces pensions seront votées sous peu mais c’est un pas dans la direction des demandes de l’Association pour la Mémoire de la Shoah qui s’est battue pour cette mesure.
Il a encore été question aussi de la reconnaissance de l’état de déporté pour raisons racistes et d’orphelin de la Shoah. Un débat qui visait à faire la part des choses entre une reconnaissance et l’octroi d’un statut et qui a montré que le bilinguisme parfait reste un idéal à conquérir. A propos de la dernière catégorie, Gérard Deprez (MR) a rejeté l’idée de créer une catégorie supplémentaire d’orphelins de guerre. L’élu libéral connaît bien le dossier, ayant lui-même perdu ses parents, abattus par des SS tout comme le père de l’actuel président du CDH, l’ancien ministre Guy Lutgen près de Bastogne.
On retiendra enfin du débat que les amendements du Belang ont tous été rejetés à des majorités écrasantes. Il est vrai qu’ils visaient à minimiser parfois le rôle de l’extrême droit.
11 janvier 2013
Christian Laport