Alors même que le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne reste dans l’impasse en raison du refus d’Ankara de remplir ses obligations, le Conseil d’administration d’Europalia International (1) a choisi ce 23 mai 2013 la Turquie comme pays invité en 2015-2016.

Après la Russie, la Chine, le Brésil et l’Inde -qui présentera ses trésors du 4 octobre 2013 au 26 janvier 2014- c’est la Turquie qui sera mise à l’honneur pendant plusieurs mois dès l’automne 2015. 2015 sera également une année anniversaire pour Europalia, qui proposera son 25ème festival au public européen et fêtera ses 45 ans d’existence. Dans son histoire, Europalia s’est largement consacrée à la présentation de la culture des pays d’Europe, et plus récemment à celle des pays asiatiques.

Devant un tel affront envers la communauté arménienne qui commémorera en 2015 le centième anniversaire du génocide des Arméniens perpétré sur ordre du gouvernement turc ottoman, c’est l’incompréhension qui prévaut, pour ne pas dire plus. S’il y avait bien une date à éviter, c’était bien celle-ci. Mais à n’en pas douter, les organisateurs doivent avoir la mémoire courte, puisqu’il y a déjà 15 ans, le Sénat belge invitait le gouvernement turc à reconnaître la réalité du génocide perpétré en 1915 par le dernier gouvernement de l’empire ottoman »

En cette circonstance inqualifiable dont on ne peut que s’indigner vis-à-vis de la communauté arménienne de Belgique, rappelons les paroles de l’ancien sénateur Belge François Roelants du Vivier, qui écrivait en 2007 : Belgique et Génocide Arménien, l’honneur perdu d’une certaine classe politique - Voici plusieurs années que la Belgique vit au rythme de déclarations négationnistes au sujet du génocide arménien. Tout cela a commencé en 2005 par une interview d’un Secrétaire d’Etat socialiste de la Région de Bruxelles, Emir Kir, au cours de laquelle ce dernier, Belge d’origine turque, mettait en doute le génocide arménien que le Sénat belge avait pourtant reconnu en 1998. Signataire de la résolution du Parlement européen en 1987, je ne pouvais laisser passer de tels propos et, de fil en aiguille, cela m’a amené à prendre une position en pointe sur le sujet, notamment en déposant une proposition de loi visant à pénaliser la négation et la minimisation du génocide. La Belgique n’est pas la France : les Belges d’origine turque y sont 130 000, tandis que la diaspora arménienne compte quelque 7 000 personnes. De bas calculs électoralistes ont conduit la même famille politique qui, en France, mène le combat le plus ardent pour la sanction du négationnisme à épouser la cause du régime d’Ankara afin de s’attirer les bonnes grâces de l’électorat d’origine turque qui, singulièrement dans certains quartiers de Bruxelles, pèse lourd en termes de conseillers municipaux.“ [...] j’ai subi un certain nombre de manoeuvres d’intimidation visant à me faire taire. Il n’y a qu’une issue à cette situation : rétablir la paix civile en Belgique par une législation qui punisse pénalement ceux qui par leurs paroles, leurs écrits ou leurs comportements nient ou minimisent le génocide arménien. Car, bien plus qu’en France, la communauté d’origine arménienne subit presque quotidiennement cette terrible et éprouvante continuation du génocide de 1915 : et cela, en 2007.

« Pays candidat en négociation d’adhésion à l’UE et pays de croisement des cultures, la Turquie est un choix idéal pour ces anniversaires, expliquent les organisateurs. Une belle opportunité également de nouer des liens avec la communauté turque de Belgique et des autres pays européens en proposant au public de découvrir l’inouïe richesse culturelle de ce pays. » Ce sera aussi le dernier festival dirigé par Kristine De Mulder [élevée au rang de baronne en 2012 ndlr], qui en est la directrice depuis dix ans“ écrit François Janne d’Othée dans Le Vif.be du 28 mai.

Doté d’un budget de 7 millions d’euros, le festival Europalia est soutenu par de grands sponsors privés mais aussi par les différents niveaux de pouvoir en Belgique. Sont notamment administrateurs la Banque Nationale de Belgique, mais surtout le Parlement Européen et le Conseil de l’Europe qui, respectivement, ont reconnu le génocide arménien : en 1987 pour l’un, et 1998 pour l’autre...

L’Ambassade de Turquie en Belgique a déjà choisi 2015 pour fêter le cinquantenaire de l’immigration turque et ainsi faire de l’ombre aux commémorations du centenaire du Génocide des Arméniens.

Il faut donc espérer que les différents niveaux de pouvoir en Belgique qui soutiennent “Europalia-Turquie“ en 2015 n’empêcheront pas la mise en place de manifestations commémorant le centenaire du Génocide des Arméniens qui aura lieu la même année, que la présence de la culture arménienne dans “l’inouïe richesse culturelle de ce pays“ sera aussi représentée lors de cette manifestation et que l’État turc n’en profitera pas pour exporter sa politique négationniste sur le sol belge.

En attendant, puisque la tenue d’ “Europalia-Turquie“ en 2015 est inévitable, il s’agira aux organisateurs d’y exposer la multiculturalité de la Turquie, cette multiculturalité antérieure à la venue du peuple turc sur ces terres et détruite par le régime des Unionistes (connus aussi comme Jeunes-Turcs) en 1915. Il s’agira aussi de rappeler que ce qu’il en reste est encore en danger maintenant et le sera en 2015, c’est-à-dire tant que l’État turc nie les crimes du régime des Unionistes. Les organisateurs d’ “Europalia-Turquie“ devront en tenir compte., nous écrit Charles Vanetzian.

(1) Lancé à Bruxelles en 1969, Europalia est un festival international qui présente tous les deux ans l’essentiel du patrimoine culturel d’un pays. D’octobre à février, à Bruxelles et dans de nombreuses villes belges et limitrophes, le festival met en scène toutes les pratiques artistiques : musique, arts plastiques, cinéma, théâtre, danse, littérature, architecture, design, mode, gastronomie...

Europalia International ; Galerie Ravenstein, 4 - B 1000 Bruxelles

Bureau : Marie Eve Tesch Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. + 32 (0) 25 04 91 23

 

Nouvelles d'Arménie Magazine