Le lobbying turc contre un mémorial du Génocide Arménien à Genève montre ses effets : les représentants de l’ONU sont intervenus auprès des services publics suisses pour en empêcher l’érection. Depuis, ceux-ci examinent la possibilité d’un transfert.
Selon un article de Markus Haefliger publié dans le journal « Neue Zürcher Zeitung », le chef du bureau de l’ONU à Genève a eu une réunion avec Sami Kanaan (PS) Conseiller à la Ville de Genève et aurait émis de fortes réserves sur ce projet. Le bureau de presse du Secrétaire général de l’ONU Kassym-Jomart Tokajev a confirmé que la réunion a bien eu lieu le 4 juin. L’ONU n’a fait aucun commentaire public précisant seulement que le monument était « entièrement du ressort des autorités locales ».
Dans les coulisses, Sami Kanaan a indiqué que « le Directeur général n’est pas fondamentalement opposé au monument, mais très clairement contre l’emplacement près du Palais des Nations ». La raison de cette réticence, selon Sami Kanaan tiendrait à la controverse au sein de l’organisation internationale sur la désignation de ces massacres en tant que génocide.
Le monument doit être érigé dans le Parc de l’Ariana, qui appartient à la ville, mais qui se trouve à côté du bâtiment de l’ONU. La décision suisse de construire un tel monument a été prise en 2008. L’article du « Neue Zürcher Zeitung » précise que, comme toujours lorsqu’il s’agit de la question arménienne, les Turcs ont exercé une forte pression et pas seulement sur l’ONU. Selon plusieurs sources, la Turquie a également protesté auprès du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Face à cette pression et vu l’importance de l’ONU à Genève, la ville a décidé de réétudier la question. Cette semaine Sami Kanaan et le directeur de l’urbanisme Rémy Pagani vont « réexaminer toutes les options ». Un transfert serait « difficile ». La ville possède de nombreux sites testés, et il n’y avait pas beaucoup d’alternatives « dignes » qui soient aussi techniquement et juridiquement possibles.
Selon le journaliste, le lobby arménien augmente aussi la pression. Le groupe parlementaire Suisse-Arménie a écrit à la ville. Dans la lettre, les Conseillers Dominique de Buman (cvp.), Ueli Leuenberger (gps.) et Hans-Jürg Fehr (PS) ont indiqué que l’emplacement à côté de l’Organisation des Nations Unies est « excellent » parce que le message du mémorial est universel. Il englobe « tous les crimes contre l’humanité du 20e Siècle ».
Les organisations juives et kurdes sont solidaires avec les Arméniens. Le président de la section genevoise de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), le politicien Pierre Weiss du FDP a écrit à Sami Kanaan qu’il était « inacceptable qu’un état étranger impose à d’autres sa politique du souvenir ».
Le mémorial se compose de neuf lampadaires où des larmes d’acier remplacent les ampoules. La référence à l’Arménie est claire, car il doit y avoir des inscriptions arméniennes, cependant il n’y a pas une référence explicite à la Turquie et le mot « génocide » ne figure nulle part.
3 juillet 2013