Son président était à Bruxelles pour attirer des investisseurs dans "un pays tout à fait stable".

Entretien Philippe Paquet

Parmi les nombreux visiteurs officiels que Bruxelles accueille, il en est qui sont plutôt inattendus. Bako Sahakyan est de ceux-là. Il est le président de l’Artsakh - le nom officiel du Nagorny-Karabakh ou Haut-Karabakh, une république autoproclamée de Transcaucasie. Une république qui n’est reconnue par personne, hormis l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et la Transnistrie - d’autres fragments de l’ex-empire soviétique au destin improbable.

Région autonome de l’Azerbaïdjan au temps de l’URSS, ce territoire de 12 000 km2 (un peu moins de la moitié de la Belgique) et de 150 000 habitants (désormais presque exclusivement arméniens) a déclaré son indépendance en 1991, à la faveur de l’éclatement de l’Union soviétique. L’initiative a provoqué une réaction militaire de l’Azerbaïdjan et l’intervention de l’Arménie voisine aux côtés des séparatistes du Karabakh. Cette guerre de religions (entre chrétiens arméniens et musulmans azéris), qui a fait 30 000 morts et un million de réfugiés (y compris les Arméniens ayant fui l’Azerbaïdjan), s’est terminée par la conclusion d’un cessez-le-feu en mai 1994.

Depuis, la question du Haut-Karabakh constitue un de ces "conflits gelés" hérités de l’ère soviétique que l’on désespère de régler (un "groupe de Minsk" coprésidé par la Russie, les Etats-Unis et la France s’y casse les dents depuis vingt ans). Depuis, "l’Artsakh" tente de mener une vie normale et même de prospérer.

"Nous nous concentrons sur le développement de notre pays", répète le président Sahakyan quand on lui demande s’il entrevoit une solution au conflit. " En dépit d’un environnement défavorable, la situation est calme et le pays est tout à fait stable ", insiste-t-il.

" L’Artsakh est un des pays les plus riches du monde ", souligne encore M. Sahakyan en pointant les ressources naturelles d’une région très montagneuse (potentiel hydroélectrique, mines d’or et de cuivre, carrières de granite et de marbre, terres favorables à l’élevage, mais aussi à l’agriculture…). " C’est aussi un pays qui enregistre une des plus fortes croissances économiques avec un taux supérieur à 10 %."

Bako Sahakyan voudrait en effet attirer les investisseurs étrangers et c’était la raison principale de son séjour à Bruxelles, à l’organisation duquel a pris part la Chambre de commerce belgo-arménienne. Où l’on s’inquiète de la décision arménienne d’abandonner un projet d’accord de coopération avec l’Union européenne parce que, sous la pression de Moscou, Erevan a décidé de se joindre à l’Union douanière eurasiatique patronnée par la Russie. "Cela n’aura pas d’impact négatif sur l’Artsakh", se plaît à rassurer M. Sahakyan, en dépit du fait que son pays n’a qu’une porte ouverte sur le monde : l’Arménie.

17 octobre 2013

LeLibre.be