Moscou tente de convaincre Erevan d’adhérer au projet de règlement du statut de l’enclave arménienne en Azerbaïdjan.
C’est avec une grande impatience qu’on attendait jeudi, à Moscou, les résultats du face-à-face entre le président russe Dimitri Medvedev et son homologue arménien Serge Sarkissian, venu surtout pour apporter une réponse à la question de savoir si l’Arménie accepte ou non de participer en juin au sommet arméno-azerbaïdjanais censé adopter une formule transitoire de règlement du problème du Haut-Karabakh. Cette formule est recommandée depuis 2006 aux protagonistes de ce conflit par le Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), coprésidé par les Etats-Unis, la France et la Russie. Elle stipule que la définition du statut du Haut-Karabakh doit être précédée par le retrait de ses forces des six régions qu’elles contrôlent en Azerbaïdjan, et par le retour dans l’enclave de tous les réfugiés azéris qui ont fui ce territoire pendant les hostilités des années 1990.
Lors de sa visite à Moscou à la mi-avril, le président d’Azerbaïdjan Ilham Aliev a non seulement approuvé cette solution, mais a même précisé qu’après l’évacuation des forces du Haut-Karabakh des régions azerbaïdjanaises occupées, le problème de statut du Haut-Karabakh pourrait attendre sa résolution pendant une période indéfinie.
Toutefois, il a catégoriquement exclu toute possibilité pour le Haut-Karabakh de se soustraire à la juridiction de l’Azerbaïdjan. On retiendra, cependant, que du point de vue strictement militaire, le départ éventuel des troupes du Haut-Karabakh de la zone tampon qu’elles occupent actuellement rendrait le territoire de l’enclave vulnérable, sinon indéfendable face à une attaque hypothétique de l’Azerbaïdjan. Cela à plus forte raison que Moscou promet désormais de vendre des armes à Bakou en récompense de son adhésion au scénario de règlement. D’autre part, ce retrait permettrait à l’Azerbaïdjan de rétablir son contrôle sur la région de Kelbadjar qui fournit au Haut-Karabakh 80 pc de son eau potable. Autant dire que, dans de telles conditions, Bakou n’aurait pas de mal à imposer au Haut-Karabakh un statut à sa guise.
Dans ce contexte, Serge Sarkissian est confronté à un choix très difficile. Il n’oublie certainement pas qu’en 1998, le président Levon Ter-Petrossian a été forcé à abandonner son poste pour avoir accepté la même formule de règlement. Or, d’autre part, il ne peut pas prendre le risque de "décevoir" Moscou qui reste l’unique allié et protecteur de l’Arménie dans la région. Qui plus est, alors que sa tentative apparemment concluante de normaliser les relations avec la Turquie (lire ci-dessus) ne lui a assuré finalement aucune liberté de manœuvre dans la mesure où M. Erdogan a immédiatement précisé que ce processus doit être strictement "parallèle" à celui du règlement du problème du Haut-Karabakh.
Certes, sa promesse de participer en juin prochain au sommet tripartite qui doit sceller les modalités du règlement arméno-azerbaïdjanais avec la médiation de la Russie ne l’engage pas encore à une décision définitive. Tout porte à croire, cependant, qu’il n’a guère le choix.
Boris Toumanov
Correspondant à Moscou
www.lalibre.be