L'Arménie, qui commémore jeudi le génocide perpétré il y a 99 ans sous l'empire ottoman, a rejeté les condoléances présentées par la Turquie dans un geste inédit, et réclamé d'Ankara reconnaissance et "repentir".

Sans interpeller directement son allié turc au sein de l'Otan, et sans utiliser le mot "génocide", le président américain Barack Obama a appelé de son côté à une "reconnaissance pleine, franche et juste des faits". Le département d'Etat a cependant qualifié les condoléances turques d'"historiques", estimant qu'elles pourraient ouvrir la voie à une normalisation entre l'Arménie et la Turquie.

Pour le président arménien, le génocide "continue tant que le successeur de la Turquie ottomane poursuit sa politique de déni total". "Seule la reconnaissance et la condamnation (du génocide) peuvent empêcher la répétition d'un tel crime à l'avenir", a souligné Serge Sarkissian.

La veille, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a fait un geste inattendu en présentant les condoléances de la Turquie "aux petits-enfants des Arméniens tués en 1915" lors des massacres visant cette communauté sous l'empire ottoman.

C'est la première fois que le chef du gouvernement turc s'est exprimé aussi ouvertement sur ce drame survenu entre 1915 et 1917, aux dernières années de l'empire ottoman et qui est reconnu comme un génocide par de nombreux pays, ce que la Turquie refuse de son côté farouchement.

Le président arménien a appelé la Turquie, sans évoquer explicitement la déclaration de M. Erdogan la veille, à aller beaucoup plus loin. "Nous approchons du 100e anniversaire du génocide arménien. Cela peut donner à la Turquie une bonne chance de se repentir et de se libérer de cette lourde charge". Il a cependant souligné qu'au-delà des mots, l'Arménie attendait "des avancées réelles: l'ouverture des frontières et l'établissement de relations normales".

Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, avait déjà fait un pas lors d'une visite à Erevan il y a quelques mois, en qualifiant les faits de "tragédie inhumaine".

Le 24 avril 1915 le gouvernement jeunes-turcs ordonnait la déportation vers la province ottomane de Syrie de centaines de milliers d'Arméniens accusés de collaborer avec l'ennemi russe. Cette journée est commémorée dans le monde entier par la diaspora arménienne.

Selon les Arméniens, 1,5 million des leurs furent tués lors des persécutions et déportations. La Turquie reconnaît des massacres qui ont coûté la vie à 300.000 personnes, tout en refusant le caractère génocidaire des événements reconnu par de nombreux pays.

Les intellectuels turcs, qui ont réservé un accueil mitigé au message de M. Erdogan, y ont vu une volonté d'atténuer les critiques qui risquent de s'abattre sur la Turquie à l'occasion du centenaire en 2015.

24 avril 2014

LeVif.be