pour rappeler ce que fut la Shoah, car ils sont de plus en plus nombreux ceux qui la relativisent, la banalisent, la minimisent ou la nient.
La haine meurtrière et monstrueuse qui rendit possible cette tragédie est le fruit terrible de l’antisémitisme, une forme particulièrement violente de racisme.
L’expression publique de cet antisémitisme avait été mise en sourdine en Europe après la guerre par les témoignages sur les camps d’extermination, les massacres par balles, la disparition quasi totale de certaines des communautés juives les plus importantes d’Europe, la honte de la collaboration, le chiffre hallucinant de 6 millions de Juifs hommes, femmes et enfants méthodiquement assassinés. Aujourd’hui, la parenthèse s’est refermée, l’antisémitisme s’exprime ouvertement et sans aucune retenue.
L’antisémitisme monte d’une part avec la poussée de l’extrême droite néo-nazie en Europe, d’autre part avec la radicalisation et la frustration d’une partie de la jeunesse issue de l’immigration particulièrement touchée par la crise et qui attribue aux Juifs, l’essentiel de leurs malheurs.
Ces deux courants de l’antisémitisme convergent aujourd’hui, ils sont rejoints au nom de « l’antisionisme » par un troisième venu de l’extrême gauche. Ces trois courants se sont d’ailleurs donné rendez-vous le 4 mai à Bruxelles pour ce qui sera la plus grande conférence antisémite en Belgique depuis 1944.
Notre lutte contre ces antisémitismes et le négationnisme devient de jour en jour plus difficile. Internet, les réseaux sociaux, les forums de discussions sont envahis par des messages d’une haine sans limite. L’antisémitisme et le négationnisme se banalisent. La tolérance des médias envers les manifestations antisémites et négationnistes s’élargit constamment.
Au nom de la « liberté d’expression », l’antisémitisme deviendrait à nouveau pour certains médias une opinion défendable. Une thèse se développe dans nos médias: les pouvoirs français et belges en criminalisant le négationnisme et l’antisémitisme s’ingéreraient dans un débat « idéologique », imposerait une vision de l’Histoire et « exacerberait les conflits entre communautés ». En résumé combattre légalement l’antisémitisme et le négationnisme discriminerait les communautés où ces « idéologies » seraient particulièrement présentes.
Un discours d’une rare perversité s’est généralisé dans la propagande anti-israélienne, antisioniste et antisémite:
Elle consiste à transposer les images de la seconde guerre mondiale et du génocide des Juifs dans le conflit israélo-palestinien mais en faisant tenir aux Juifs israéliens le rôle des bourreaux nazis et aux Juifs dans le monde, celui des collabos, les Palestiniens devenant les victimes finales seules dignes de compassion.
Le cliché le plus usé “les victimes de hier sont devenues les bourreaux d’aujourd’hui “ est emblématique de ce type de propagande. Les 6.000.000 de Juifs exterminés ne se transformeront jamais en bourreaux et les Palestiniens n’auront jamais à subir leur sort.
Le BDS, le mouvement promouvant le boycott d’Israël, de ses institutions, de ses citoyens mais aussi de ceux qu’il qualifie de « sionistes » pratique cette méthode. Je relève dans leur fascicule idéologique « Le boycott d’Israël: Pourquoi, comment? » distribué sur nos campus universitaires:
“massacre organisé et prémédité“, “camp de concentration”, “exterminer”, “torturer”,“ghettoïser” , “isoler”, “anéantir”.
Il y a aussi l’utilisation répétée par les militants BDS du terme cher à Dieudonné: “Isra-Heil”
Ils ont même été jusqu’à détourner l’image d’Anne Frank en l’affublant d’un keffieh.
A l’UEJB, nous ressentons déjà l’effet de cette propagande détestable. Le mois passé lorsque nous avons organisé une conférence sur la jeunesse sous le régime nazi avec les historiens Joel Kotek et Vincent Engel, des étudiants sont venus nous trouver pour demander d’inviter un conférencier pro-palestinien pour assurer la contradiction face aux deux « sionistes ».
Le peuple juif n’est pas le seul peuple à avoir subi un génocide, il a été précédé en 1915 par celui des Arméniens en Turquie et suivi par celui des Tutsis au Rwanda en 1994. L’UEJB a participé ce mois-ci à la marche aux flambeaux à la mémoire des victimes tutsis, à la cérémonie du 99ème anniversaire du génocide des Arméniens et aujourd’hui nous organisons et participons à la lecture des noms des 24036 déportés juifs de Belgique et des 245 résistants juifs tués en combattant. Le devoir de mémoire est une de nos priorités, nous ne laisserons pas les victimes tomber dans l'oubli. Juifs, Arméniens et Tutsis doivent être solidaires pour dire non au négationnisme. L’UEJB s’efforcera de rapprocher nos communautés et d’organiser des événements ensemble.
Les derniers témoins de la Shoah auront bientôt disparu comme ont disparu ceux du génocide arménien. Nous avons à préserver et à continuer à transmettre leurs témoignages quand leurs voix se seront définitivement tues pour qu’elles ne soient pas ensevelies sous la masse des mensonges et des fantasmes conspirationnistes des négationnistes.
Je termine en me réjouissant de la présence de mes grands-parents, René et Juliette De Lathouwer, résistants de la première heure, et je salue la mémoire du gendarme et résistant Sylvain Capelle et de son épouse Marguerite: sans ces deux Justes notre famille aurait disparu."
Le 28 avril 2014
Au Mémorial National aux Martyrs Juifs de Belgique