Comment se porte le vote communautaire en Région bruxelloise ?
A Bruxelles, ce qui fonctionne, c’est le communautarisme. L’exacerbation de certaines tensions communautaires, c’est payant en terme électoral. A l’inverse, les candidats qui ont un profit plus effacé, qui défendent un intérêt général plutôt que celui de certains groupes, n’arrivent plus à se faire élire. Le meilleur exemple est celui de Rachid Madrane qui a fait du bon boulot lors de la dernière législature mais n’a pas sombré dans la tendance communautaire : ce genre de profil - bien que soutenu par l’appareil du parti - ne plaît plus à l’électeur.
Quels sont les partis qui jouent le plus la carte ethnique/communautaire ?
Incontestablement, ce sont le PS et le CDH. La plupart de l’électorat communautaire n’est pas un électorat politisé, c’est un électorat que ces partis ramènent vers eux par un clientélisme très exacerbé. Ecolo et le MR, en revanche, ont des électeurs très politisés et s’ils jouaient la carte du communautarisme, ils risqueraient de perdre une partie de leurs électeurs. PS et CDH jouent avec des électeurs qui ne voient la politique que comme un moyen d’obtenir un service ou un passe-droit : " Je vais demander à mon bourgmestre ou à mon échevin ceci ou cela ." Secundo, les allocations de chômage. Dans des communes populaires comme Saint-Josse, Schaerbeek ou Molenbeek, des candidats PS et CDH ont sillonné les rues en disant que la droite allait supprimer le chômage. Or, tout le monde est affecté par le chômage dans ces quartiers...
Le facteur religieux confère-t-il un avantage au CDH ?
Le CDH se caractérise par un double discours patent : on agit d’une manière, puis on prêche l’inverse par communiqué de presse. Le CDH part avec un certain avantage sur le PS puisque, outre le vote musulman, il peut aussi compter sur l’électorat évangéliste noir - avec Bertin Mampaka et Pierre Migisha qui ont mené campagne dans les églises de Bruxelles.
Pourquoi Ecolo ne marque-t-il pas de points sur le terrain du vote ethnique ?
Parce que les communautés religieuses sont généralement conservatrices sur le plan des valeurs. Et là où Ecolo se montre ouvert sur le port du voile et pourrait marquer des points, on a directement des candidats du CDH pour rappeler qu’Ecolo est très ouvert, aussi, sur le plan des droits des homosexuels - ce que n’apprécient généralement pas les communautés religieuses.
Y a-t-il des différences d'approche pour conquérir l'électorat turc et marocain ?
Pour les Turcs : vous pouvez être aussi progressiste ou musulman que vous le voulez, si vous n’êtes pas Turc, on ne votera pas pour vous, c’est certain. Ensuite, on votera pour un candidat issu de la même région d’origine que soi en Turquie, c’est un sous-régionalisme. Pour les Marocains, il faudra que les candidats défendent à fond les intérêts du Maroc. Au MR, par exemple, ils avaient placé une employée locale de l’ambassade marocaine à Bruxelles sur leur liste européenne. Et il y a un autre vote communautaire qui fonctionne bien au MR : c’est le vote juif sioniste.
Pensez-vous que les limites du vote communautaire aient été atteintes à Bruxelles ?
Non, je pense que cela va encore se développer pendant dix ou quinze ans avant qu’on voit les limites d’un tel modus operandi. On a d’ailleurs quinze ans de retard sur les Pays-Bas en la matière. Et on pourrait bien voir un Pim Fortuyn local émerger, une sorte de Rudy Aernoudt, qui se dresserait contre certaines dérives du vote communautaire.
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