La Fondation Info-Türk, tout en condamnant l'hypocrisie du régime d'Ankara vis-à-vis des peuples opprimés d'Anatolie, 
présente ses condoléances à la famille d'Aram Tigran, aux peuples kurde et arménien.

Contrairement à ce qui avait été annoncé, le chanteur arménien Aram Tigran, décédé le 6 août 2009 en Grèce, ne sera pas enterré en Turquie.  Le comité des obsèques créé à Diyarbakir avait entamé les préparations pour organiser une messe à l’église arménienne et pour enterrer le musicien Aram Tigran dans le cimetière arménien comme il le souhaitait. Cependant, le Ministère turc de l’intérieur, malgré la nouvelle politique d'ouverture de dialogue, a refusé de délivrer l’autorisation nécessaire pour réaliser le dernier souhait d’Aram Tigran.

Après ce refus, la famille du défunt a décidé de l’enterrer à Bruxelles. Le corps du défunt a été transporté jeudi d'Athènes à Bruxelles et accueilli par les représentants de la communauté kurde en Belgique.

D'après Firat News Agency, d'abord une cérémonie religieuse aura lieu le lundi 17 août 2009 à 12h à l'église arménienne, rue Kindermans 1 à Ixelles. Ensuite, le défunt sera enterré dans un cimetière sur Boulevard de Smet de Naeyer à Jette.

Selon un communiqué de la Maison du peuple de Genève, le comité des obsèques [à Diyarbakir] a fermement condamné ce refus qu’il a qualifié de « honteux ». Selon lui, ce refus est d’autant plus choquant car il a eu lieu dans un contexte où se multiplient depuis des semaines les déclarations des autorités turques pour une résolution pacifique de la question kurde et pour la reconnaissance de la diversité ethnique, religieuse et culturelle…

Après le refus des autorités turques, le Comité a organisé des obsèques symboliques au cimetière arménien de Diyarbakir. Ces obsèques ont eu lieu en présence des personnalités comme Osman Baydemir, le maire de Diyarbakir, Aysel Tugluk, députée kurde au Parlement. De nombreux artistes et chanteurs kurdes y étaient également.

Tigran est né en Syrie, mais après avoir participé l'année dernière à un festival culturel et artistique à Diyarbakır et passé environ deux mois dans cette ville lors de sa visite, il a informé sa famille et d'autres personnes qu'il voulait être enterré là-bas.

«Larmes dans leurs yeux» 

Selon Firat Anlı, le responsable du DTP (Parti pour une société démocratique) et du comité créé pour les obsèques d’Aram Tigran : «Tigran est le prénom qui vient naturellement à l'esprit quand on parle de la musique Kurde. Chacun au-dessus d'un certain âge dans cette région a fini par connaître la musique dans sa langue maternelle grâce à Tigran qui jouaient des airs doux et émotifs accompagnés de l'oud qu'il maîtrisait ».

 «C'était notre plus grand rêve pour qu'il vienne jouer à Diyarbakır en concert. Cela nous a pris des années pour que cela puisse se réaliser. Précédemment, la situation en Turquie ne le permettait pas. Mais sa première arrivée fut un événement historique, comme dans un rêve. Des milliers de personnes ont eu des larmes aux yeux  après l'avoir écouté.»

«Diyarbakır est une ville mythologique, une des villes les plus importantes, multilingues et multiculturelles de Mésopotamie. Il est très significatif que des artistes et les intellectuels qui ont travaillé à cet endroit, qui ont été martyrisés pour lui, veuillent se reposer ici».

«Nous voulons que Diyarbakır  soit un point de rencontre pour les artistes  et les intellectuels de leur vivant. Nous les invitons à Diyarbakır, capitale de la paix, de la fraternité et de la liberté ».

«Diyarbakır, je t'ai manqué»

Pendant son séjour à Diyarbakır, Tigran déclarait à Aknews : «C'était le rêve du siècle de venir à Diyarbakır. J'avais toujours l'habitude de dire ‘’Dieu,  ne verrai-je jamais l'endroit où mes parents ont vécu avant que je meure?’’ Il y a deux ans, après avoir acquis la nationalité grecque, je suis venu pour la première fois à Diyarbakır. J'ai été très touché et ai composé une chanson.  Voici un vers de cette chanson (en kurde):

'Di xewnên şevan de min bawer nedikir (si je l'avais rêvé, je ne l'aurais pas cru)/Bi çavan bibînim bajarê Diyarbekir (pouvant voir Diyarbakır)/Rojbaş Diyarbekir je pir bêriya te kir (bonjour Diyarbakır, je vous ai manqué beaucoup)/Te derî Li je vekir (vous avez ouvert vos portes à moi)/Te je kir de şa (vous nous avez rendus très heureux). »

Tigran a également visité les villages de Bêemde (Kexriban en Arménien) et de Kaskê, où ses parents étaient nés. Au sujet de ces visites il a dit: «Quand j'ai regardé les montagnes, arbres, jets et maisons, mon intérieur tremblait. J'ai pleuré. On m'a beaucoup fait souffrir. Je me suis rappelé ce que mon père, ma mère avaient éprouvé. J'ai été triste et j'ai pleuré en pensant que nous n'avions pas grandi sur ce sol.»
Qui était Aram Tigran ?
Né en Syrie en 1934, Tigran a chanté en arabe, arménien, kurde et turc. Son père avait été sauvé du «grand désastre» de 1915  des Arméniens.
L'intérêt de Tigran pour la musique et l'oud a commencé à l'âge de neuf ans.
Aramê Tîgran, laisse derrière lui un répertoire immense comprenant  notamment 11 albums, 230 chansons en kurde kurmandjî, 7 en kurde zazakî, 150 en arabe, 10 en syriaque, 8 en grec,…
En 1966, il est allé à Erevan, capital d'Arménie où il a travaillé pour la radio d'Erevan pendant 18 ans. Après 1995, il s’est installé à Athènes.
Cette année, il a participé au 9ième festival de culture et d'art de Diyarbakır, mais en raison de sa mauvaise santé, il a seulement exécuté trois chansons kurdes.

Pendant les célébrations de Newroz (fête nationale kurde, le 21 mars) à Batman l'année dernière, Tigran a chanté des chansons en kurde, turc, arménien et arabe. Il a également chanté la chanson «Sarı Gelin» à  la mémoire Hrant Dink, le journaliste et activiste des droits de l'homme d’origine arménienne assassiné par un nationaliste turc. (BIA, Tolga KORKUT, 10 août 2009 )

La Maison du peuple de Genève appelle une nouvelle fois l’état turc à renoncer à son double discours et sa politique malhonnête, à respecter reconnaître la diversité ethnique, religieuse, culturelle, ainsi que les droits de l’homme.

"Nous appelons enfin tous les responsables politiques et tous les élus européens à refuser toute entrée en matière sur une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne, tant que celle-ci ne respectera pas un des critères fondamentaux d’adhésion, à savoir l’existence d’un régime politique démocratique respectant les droits de l'homme et des minorités (critères de Copenhague)," dit Demir Sönmez, président  de la Maison du peuple de Genève.

Condoléances du Kongra-Gel:  La mort d’un frère

Le Kongra-Gel (Congrès du Peuple Kurde) a par la voix de son président Remzi Kartal, présenté ses condoléances:

“Notre peine est immense car le grand artiste, l’ami du peuple kurde, Aram Tîgran s’est éteint. Sa disparition est pour notre peuple et pour l’art kurde une perte incommensurable, sa place ne pouvant en aucune façon être prise. 

En tant que Kongra-Gel, nous présentons nos condoléances à sa famille, au peuple kurde et au peuple arménien.

En tant que Kongra-Gel et Mouvement pour la Liberté, nous resterons toujours attachés à la mémoire du grand maître Aram Tîgran et ferons vivre pour toujours son nom et son art.

Nous souhaitons que notre peuple participe comme il se doit, massivement, aux funérailles du très regretté ‘Aram Tîgran.”

Comme Aram Tîgran avait fait part de son souhait d’être enterré à Amed/Diyarbakir, le président du DTP pour la province d’Amed, Firat Anli a déclaré que pour respecter sa volonté, les préparatifs étaient en cours pour l’inhumer au cimetière de la Porte de Mêrdîn aux côtés de la tombe du grand romancier kurde Mehmet Uzun qui y repose depuis sa mort le 11 octobre 2007:

“L’artiste des peuples, le virtuose de la musique kurde Aram Tîgran occupe une place particulière dans le coeur des Kurdes. Nous nous devons d’organiser des funérailles dignes de lui.”

Né en 1934 à Qamishlo au Kurdistan-Ouest (Nord de la Syrie) de parents survivants du Génocide Arménien, Oncle Aram ou Aramê Tîgran comme l’appelaient les Kurdes, laisse derrière lui un répertoire immense comprenant notamment 11 albums, 230 chansons en kurde kurmandjî, 7 en kurde zazakî, 150 en arabe, 10 en syriaque, 8 en grec,…

Le peuple kurde est en deuil.

Car il a perdu un ami cher, un frère arménien qui était le symbole de l’amitié entre les peuples kurde et arménien. (Firat News Agency-bersiv.com, 8 août 2009)