Le Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France (CCAF) a pris connaissance de la publication du double protocole établi par l’Arménie et la Turquie sous la médiation de la Suisse, dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2009. Erevan et Ankara se donnent un délai de six semaines avant de donner leur accord final puis de le ratifier par leur Parlement respectif. Dans ce cadre le CCAF souhaite préciser ses positions sur des questions majeures.

Le génocide des Arméniens n’est pas négociable. Il ne peut être l’objet d’un examen par "une sous-commission intergouvernementale". L’histoire ayant déjà jugé, nul ne peut contester ce fait reconnu comme un génocide par les historiens, les juristes, des instituts, et plus de 20 États, dont la France.

Par ailleurs, tout génocide implique des réparations morales, politiques et matérielles de la part de ses responsables. Le CCAF demande donc des éclaircissements sur le 5e point du Protocole sur l'établissement des relations diplomatiques selon lequel les deux États “confirment la reconnaissance mutuelle des frontières existantes entre les deux pays telles qu’elles ont été définies par les traités internationaux”.

En outre, si le conflit du Haut-Karabagh n’est pas, à juste titre, mentionné dans la « feuille de route », sa publication coïncide, une fois en vigueur, avec la rencontre arméno-azérie prévue à la mi-octobre en Moldavie. Là encore le point 3 du protocole mérite d’être clarifié. La République du Haut-Karabagh doit se voir reconnaître clairement le droit à l’autodétermination, le droit de participer au règlement politique du conflit, le droit à une sécurité garantie par des mesures sérieuses et le droit de vivre en paix sur ses terres reliées directement à la République d’Arménie.

Nous, citoyens français d’origine arménienne, sommes en droit d’attendre du gouvernement turc un acte conforme au courage de la société civile turque qui s’est emparée de la question du génocide avec responsabilité. Pour que le tabou arménien tombe irréversiblement en Turquie, nous demandons à Ankara de renoncer à son négationnisme d'État et d'abroger le plus vite possible son arsenal répressif - articles 301 et 305 du code pénal - qui menace de peines de prisons toute personne qui porterait atteinte à la dignité de la Turquie en évoquant publiquement le génocide des Arméniens. Au gouvernement turc de s'adapter au message de sa société civile désireuse de revisiter son passé et de marcher dans le sens de l'histoire.

Le CCAF, favorable à un dialogue arméno-turc sincère et à l’établissement de relations entre l’Arménie et la Turquie, appelle également Ankara à lever le blocus qu'elle exerce sur l'Arménie depuis 1993. Subordonner la réouverture de la frontière avec l'Arménie à la ratification de la « feuille de route » constitue un préalable en rupture avec le principe d'une normalisation sans condition. Le devoir de mémoire en Turquie ne peut s’accomplir en prenant l’Arménie en otage. Nous avons trop longtemps été habitués à voir les autorités turques utiliser la moindre occasion d’ouverture pour gagner du temps, phagocyter la question arménienne et dissuader la communauté internationale de reconnaître le génocide de 1915.

Enfin, le CCAF réaffirme son attachement au partenariat stratégique Arménie-diaspora et appelle l'ensemble des composantes de la nation arménienne à le renforcer.


Paris le 16 Septembre 2009